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sources de l’orchestre, et qui a réussi à trouver plusieurs effets heureux. Au premier acte, on peut signaler une jolie romance de ténor, dite avec goût par le chanteur qui représente le personnage de Lorenz. Puis vient un trio pour deux voix de femme et une voix de ténor, dont le motif est repris successivement en forme de canon par chacun des trois personnages, et au milieu duquel se trouve encadrée une ballade que chante Zora avec accompagnement de chœur. Les airs de danse du second acte sont agréables, et le quatuor pour deux voix de femme, ténor et basse, qui forme l’avant-propos du finale, est sans contredit le meilleur morceau de tout l’ouvrage. Ce quatuor est accompagné avec ce goût ingénieux et sobre qui a fait la fortune du Désert et de quelques parties de Christophe Colomb. l’introduction instrumentale du troisième acte est tout aussi dépourvue de caractère que l’ouverture, et cependant c’était là une belle occasion pour M. Félicien David de nous donner une bonne page de musique pittoresque, comme il s’en trouve tant dans les œuvres de Mendelssohn et dans les grands symphonistes allemands. À vrai dire, il n’y a de remarquable dans tout le troisième acte qu’un air de basse avec chœur que le public a redemandé. Ce coup d’essai dramatique est-il décisif pour la destinée de M. Félicien David ? Nous serions tentés de le croire. Nous n’avons pas remarqué dans les trois actes de la Perle du Brésil cette inexpérience de bon augure, ces tâtonnemens vigoureux qui laissent entrevoir une veine féconde. Tout y est proprement, mais faiblement écrit ; les mêmes idées se représentent incessamment sous les mêmes formes qui accusent une nature délicate resserrée dans un cercle très étroit. Un critique fort compétent écrivait ici même, il y a quelques années, à propos de M. Félicien David, qu’il était bien possible que l’auteur du Désert et de Christophe Colomb fût déjà arrivé aux limites de son gracieux empire : la musique de la Perle du Brésil confirme ce jugement. L’exécution de l’opéra de M. David, sans être parfaite, est au moins supportable. Mme Duez, qui représente l’héroïne Zora, est une cantatrice qui ne manque pas de talent, et dont la voix de mezzo soprano, assez timbrée et assez flexible, gagnerait à être mieux dirigée. M. Philippe est un jeune ténor dont la voix vibrante n’est point désagréable ; mais ce qu’il y a de mieux au troisième théâtre lyrique, ce sont les chœurs et surtout l’orchestre que M. Varney dirige avec intelligence.

Le théâtre de l’Opéra-Comique vient d’éprouver un échec qui interrompra pour quelque temps peut-être l’étonnante prospérité à laquelle il s’est habitué depuis un ou deux ans. Le Château de la Barbe-Bleue, dont le sujet est emprunté à un assez mauvais roman de M. Eugène Sue, n’aura pas même le succès de ces partitions laborieuses qui ne vivent quelques jours au théâtre que grâce à la fantasmagorie de la mise en scène et au talent des acteurs. Puisque M. de Saint-Georges avait consenti à puiser dans un roman connu la donnée d’un libretto d’opéra-comique, il aurait dû pousser plus loin encore la modestie en copiant tout simplement la fable conçue par M. Eugène Sue, qui est du moins vraisemblable et parfois intéressante, et non pas complètement absurde comme celle qu’il y a substituée.

Un certain comte de Rochambeau, qui vivait du temps de Louis XIV, s’en va chercher dans les Indes un oncle riche, dont il espère devenir l’héritier. Il arrive à Madras, le cœur rempli d’une image charmante, l’image d’une jeune