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couche le tinrent éveillé pendant la moitié de la nuit. Peu s’en fallut que, pour dormir, il ne prît le parti d’aller chercher quelque paillasson, tant son mince matelas lui semblait moelleux, comparé à sa natte et à son panier de tous les jours. Le sommeil vint enfin, accompagné de songes d’or, et le pauvre garçon s’envola dans un monde féerique, où la jeunesse, la santé, le bien-être, joints au sentiment de sa nouvelle fortune, le bercèrent jusqu’au matin.


IV.

À midi, le lendemain, Nino n’avait encore eu autre chose à faire que de manger, de boire et de jaser avec les filles d’auberge. Cette vie de chanoine lui plaisait fort. Enfin, vers le milieu du jour, son patron lui donna des cartes de visite à porter en ville, en lui recommandant de faire diligence. Nino allait partir quand le seigneur anglais le rappela et lui dit :

— Vos gages seront de cinq piastres par mois. Voici un à-compte de deux piastres. Si vous avez besoin d’argent, je vous avancerai les gages d’un mois entier.

Nino couvrit les deux pièces d’argent de baisers plus passionnés que s’il eût tenu les reliques de saint Janvier. Après cela, se sentant plus calme, il noua son trésor dans un vieux chiffon qu’il serra tout au fond de sa poche, et il partit pour faire ses commissions, en mettant ses bottes sous son bras afin de courir plus vite. Au bout de vingt minutes, l’Anglais, assis à son bureau, vit à côté de lui son petit domestique tout essoufflé.

— C’est déjà fini ? dit-il sans tourner la tête.

— Excellence, oui, répondit Nino. Votre seigneurie m’avait ordonné de faire diligence.

— Voilà du zèle, reprit l’étranger. Prends ces deux carlins de gratification. Je rendrai bon compte de tes services à Giovannina.

Le troisième jour, Giovannina, parée de sa robe d’indienne et de ses gants de fil, vint en effet demander des nouvelles de son protégé. Le seigneur anglais ayant assuré qu’il était satisfait, Nino reçut les complimens les plus flatteurs sur sa bonne mine, sa toilette, ses bottes et son excellente conduite.

— Eh bien ! dit-il alors de ce ton comique et pleurard que les Napolitains emploient dans les grandes occasions, eh bien ! chère Giovannina, où sera la récompense de cette excellente conduite ? À présent que vous m’accordez un peu d’estime, me défendrez-vous encore de vous parler d’amour ?

Le visage de la jeune fille prit une expression moins sévère. Un léger sourire voltigea sur ses lèvres. Elle pencha la tête sur son épaule