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n’impose plus silence à ses propres sentimens et laisse échapper une explosion de blâme, de douleur ou d’indignation.

Nous n’avons pas dessein de faire ici l’analyse des deux premiers volumes que nous avons sous les yeux. Les faits, les événemens principaux qu’ils contiennent, tout le monde les connaît. Après un coup d’œil général jeté sur l’assemblée législative, l’auteur entre en matière par un récit détaillé du 20 juin, du 10 août, des massacres de septembre. Viennent ensuite les débuts tumultueux de la convention, les naissantes fureurs de la montagne et de la gironde, le procès, son instruction, ses longues péripéties, enfin, après la mort du roi, les déchiremens de l’assemblée, la lutte à mort des deux partis, et les préludes de ce 31 mai préparé et mis en œuvre, comme le 20 juin, comme le 10 août, comme le 2 septembre, par l’émeute organisée. Là s’arrêtent les deux premiers volumes. C’est la première phase de la vie de la convention. La seconde commence avec le 31 mai et le 2 juin et dure autant que la terreur; puis, après ces quatorze mois d’agonie survient une troisième et dernière phase, qui prend naissance au 9 thermidor et se prolonge pendant quinze mois environ, époque de relâche plutôt que de réaction, où l’esprit révolutionnaire ne perd pas encore un pouce de terrain, mais où du moins la société respire et se sent hors des mains qui la noyaient dans le sang.

De ces trois grandes phases, la première, celle qui remplit ces deux premiers volumes, est à elle seule toute une histoire. C’est une action complète, un sujet plus grandiose que tous les poèmes, plus attachant que tous les drames : c’est la chute de la royauté et la ruine de ses destructeurs, les girondins.

Pour rajeunir ce texte si connu, qu’a fait M. de Barante? Il a laissé parler les faits sans ménagemens, sans complaisance. Impartial envers tout le monde, il ne fait pas le procès aux girondins, mais il met sous nos yeux tous leurs actes, toutes leurs paroles. Ce n’est pas sa faute s’il en résulte une impression sévère, disons mieux, accablante pour leur mémoire. Ceux-là seuls s’en étonneront qui n’ont jamais regardé de près les hommes de ce parti, et qui ont accepté sur parole l’indulgence et l’admiration traditionnelles dont ils sont depuis si long-temps en paisible possession.

D’où est venue cette indulgence? D’abord, de la haine implacable que tous nos démagogues, tous nos purs jacobins n’ont cessé de vouer depuis soixante ans à leurs anciens rivaux. Le public s’est dit : « Ceux contre qui mes ennemis conservent de telles rancunes étaient sans doute mes amis, » et, sans y regarder davantage, il a pris sous sa protection la mémoire des girondins. D’un autre côté, on s’est accoutumé, grâce à l’esprit dramatique dans lequel presque toutes nos histoires sont conçues, à ne se représenter les girondins que sur leur dernier théâtre.