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joueurs incorrigibles, leur lutte acharnée contre cette royauté qu’ils ne voulaient pas détruire? De quelles armes déloyales ne l’ont-ils pas frappée? quelles haines, quelles défiances n’ont-ils pas semées contre elle? A quelles calomnies n’ont-ils pas fait écho?

Puis, quand le feu qu’ils attisaient a jeté de lugubres lueurs, quand ils ont vu que l’incendie gagnait et qu’ils n’en étaient plus maîtres, un rayon de sagesse et de prévoyance est-il venu les éclairer? ont-ils renoncé à leurs projets? Non : une chimère nouvelle a ranimé leur folie. Ils ont cru qu’avec une troupe à leurs ordres ils domineraient Paris, que la populace des faubourgs serait souple et accommodante, pourvu que du fond de la Provence on leur expédiât un millier d’hommes armés. Ce ramas, cette écume de la population marseillaise devait être pour eux un bataillon sacré qui gouvernerait l’émeute et la conduirait juste à point. Après bien des efforts, après un mois d’attente, ils arrivèrent, ces Marseillais, ils entrèrent dans Paris. Une heure après, ils n’étaient plus à la gironde. Il avait suffi à Danton et à ses cordeliers de quelques accolades, de quelques verres de vin pour escamoter le bataillon sacré.

Alors le 10 août éclate, le véritable 10 août et non celui des girondins. La royauté s’écroule, ils la laissent tomber, et tous leurs beaux plans avec elle. Non-seulement ils ne tentent rien pour sauver ce semblant de trône qu’ils espéraient se ménager, mais, sous peine d’être eux-mêmes engloutis sous ses ruines, il faut qu’ils aident à le démolir. Ils crient victoire avec les vainqueurs, de peur de passer pour vaincus. D’agresseurs qu’ils étaient, les voilà sur la défensive; qu’un mot de doute ou de regret leur échappe, ils sont perdus; ils ne peuvent même pas se taire, il leur faut tout approuver, tout sanctionner, tout laisser faire, tout, même le 2 septembre!

Eh bien! nous le demandons, suffit-il de quelques harangues, de quelques élans de sentiment et de rhétorique pour se laver de tels méfaits? A qui le pays doit-il s’en prendre de cette longue série de maux et de désastres que la chute de la royauté a fait fondre sur lui, si ce n’est à ceux qui ont préparé cette chute, qui s’en sont faits les promoteurs, les instrumens? Qu’importe que la pire de ces calamités, la république, ne fût pas dans leur programme, si elle devait fatalement sortir de leurs actes? Leur seule excuse est l’inexpérience. Eux du moins, ils ont pu dire qu’une telle catastrophe leur avait semblé impossible, qu’elle était sans exemple, que la majorité du peuple, même à Paris, ne voulait que le maintien de la royauté et de la constitution, qu’il était insensé d’admettre qu’une tourbe de bandits fît la loi à tout le royaume et fût plus forte que la majorité de la capitale et de l’assemblée; ils ont pu dire, comme Péthion et Buzot, «qu’avant le 10 août, il n’y avait que cinq hommes en France qui voulussent la république,