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rares facultés que quelques-uns d’entre eux avaient reçues du ciel? A déclamer un peu mieux que les autres, partant à être encore plus vides, plus sonores, plus dénués de sens pratique et de raison.

Aussi, pour trouver dans ce parti des hommes d’une sérieuse valeur, il faut descendre aux rangs secondaires. Là, parmi des esprits modestes, mais solides, se trouvaient quelques cœurs fermes et bien trempés; mais, à vrai dire, ce n’étaient pas des girondins, car dans le procès, par exemple, ils ont presque tous écouté leur conscience et voté courageusement, simplement. Nous en pourrions même citer qui, dans de périlleuses missions, ont fait preuve d’une héroïque énergie, et engagé sans éclat, sans charlatanisme, non pas en parole, mais en action, leur responsabilité vis-à-vis de la horde démagogique. Les chefs, au contraire, les beaux diseurs, ceux qui ont fait tant de bruit, se sont presque toujours dispensés de ces vertus. On eût dit que, payant leur contingent en paroles, ils se tenaient pour quittes de tout le reste.

Nous ne croyons pas que M. de Barante les ait trop sévèrement traités. Il les excuse assez souvent, les loue même quelquefois; mais toujours, et nous l’en remercions, il les donne pour ce qu’ils sont, pour un parti d’imprévoyans et de déclamateurs. Ce n’est que par une méprise, dont profite encore leur mémoire, qu’on s’est si bien accoutumé à leur faire la part plus belle. Cette méprise consiste à les considérer comme des hommes de résistance, tandis qu’ils n’ont jamais été que des révolutionnaires, rien que des révolutionnaires. Barnave et ses amis, lancés comme eux en pleine révolution, se sont aperçus tout à coup qu’ils ne démolissaient pas seulement l’ancien régime, mais la société; ils ont courageusement confessé leur erreur; ils n’ont pas craint de s’opposer au torrent qu’eux-mêmes ils avaient soulevé. Aussi, quelque tardive qu’ait été leur conversion, ils peuvent être comptés pour des hommes de résistance. Quant aux girondins, jamais ils n’ont mérité cet honneur. Ils ont eu beau voir le péril, l’idée de le conjurer ne leur est jamais venue. Jamais ils n’ont voulu dire ce meâ culpâ qui. chez l’homme politique, n’est pas un acte de contrition, mais une preuve d’énergie, et qui ne rachète pas seulement les erreurs de son passé, mais lui donne dans l’avenir une force nouvelle. Ils sont morts, ils ont voulu mourir comme ils avaient vécu, en héros de théâtre, et n’ont cherché dans leur dernière heure que ce qu’ils avaient en ce monde considéré comme le bien suprême, un succès de tribune.

Aussi leur mort, dont on leur tient si grand compte, ne saurait, selon nous, obtenir grâce pour leur vie. Comment les absoudrait-elle? Tout le monde, dans ces jours de désespoir, dans ces jours sans lendemain, ne quittait-il pas la vie sans effort? Jeunes et vieux, et jusqu’aux plus faibles femmes, tous ne savaient-ils pas mourir? Et ceux-là ne mouraient-ils pas le mieux, qui mouraient sans chanter, sans vaine fanfaronnade? La patrie n’a aucun besoin qu’en marchant à