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combattre; les liens de la famille se relâchèrent, et, suivant la juste remarque de M. Dubor, l’indigne conduite de Philippe Ier envers la reine Berthe ne fut peut-être que la conséquence des prédications des hérétiques. Les seigneurs imitèrent le monarque; ils usèrent du sacrement comme d’un moyen de changer de femmes, et l’on en serait arrivé à une sorte de promiscuité quasi-légale, si la papauté, gardienne fidèle de la tradition, n’avait arrêté le mal à sa source en frappant d’une haute réprobation canonique les princes et les grands qui donnaient l’exemple du désordre.

Après avoir examiné les diverses théories religieuses et sociales qui agitèrent le XIe siècle, M. Dubor rappelle avec raison ce mot de M, Guizot, que « la plupart des idées qui se prétendent nouvelles se retrouvent dans les profondeurs du moyen-âge, » et en montrant comment une partie des réformes abolitives du mariage, de la famille et de la propriété ont, été accomplies par les institutions monastiques, il indique, mais beaucoup trop sommairement, la différence qui sépare l’église des hérétiques et des novateurs du XIe siècle. En effet, d’un côté, dans l’hérésie, — et nous ne parlons ici que des hérésies matérialistes qui font le sujet des études de M. Dubor, car le protestantisme a toujours sévèrement sauvegardé la morale individuelle et sociale, — l’organisation de la propriété collective n’est qu’une protestation envieuse de la pauvreté contre la richesse individuelle. Dans l’église, au contraire, la richesse collective est une richesse abstraite; l’homme échange volontairement la fortune et le bien-être contre les privations les plus dures. Il en est de même pour ce qui concerne le mariage. Dans l’hérésie, en attaquant le mariage, on proclame l’indépendance absolue des passions; on cherche dans des plaisirs sans frein la satisfaction de désirs toujours inassouvis. Dans l’église, au contraire, en s’abstenant du mariage, on cherche à se dégager des liens de la chair pour s’élever par le renoncement et la pureté à une perfection surhumaine. D’un côté, on souffre, on s’abstient; de l’autre, on veut jouir. Ici, la volonté et l’instinct s’humilient sous l’autorité morale. Là, l’autorité morale est complètement foulée aux pieds et sacrifiée aux instincts les plus grossiers. Ce sont là des distinctions qu’il importe de maintenir sévèrement à une époque où l’on cherche à placer les théories communistes sous l’abri des doctrines chrétiennes; les apparences seules peuvent tromper les esprits superficiels, et nous souhaitons sincèrement que les savans de la province tournent leur attention vers ces questions importantes.

Parmi les travaux de l’école toulousaine qui méritent encore d’être signalés, nous indiquerons les Monumens de la littérature romane, de M. Gatien Arnoult, publication intéressante, dans laquelle l’auteur a rassemblé, depuis l’origine, les pièces de vers qui ont remporté des prix à l’académie des jeux floraux, les notes historiques et le précis que l’un des poètes les plus distingués du midi, M. Florentin Ducos, a ajoutés à son Épopée toulousaine, et le Recueil d’inscriptions romaines de M. Alexandre du Mège, à qui l’on doit de très bons travaux d’archéologie, entre autres un mémoire sur les caisses de momies conservées au musée de Toulouse, et une nouvelle édition de dom Vaissette. Nous ajouterons que ce qui distingue dans cette partie de la France les travaux d’histoire et d’érudition, c’est avant tout un sentiment juste et vrai des institutions politiques du passé, et, chose plus rai e encore, le respect de toutes les choses