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que les inimitiés dont il se plaint sont des inimitiés politiques; il se trompe. Les répulsions qu’il a soulevées viennent d’ailleurs.

Tel est à peu près le seul incident de cette quinzaine qui vaille la peine d’être mentionné, car les lecteurs de la Chronique l’excuseront probablement de ne point les tenir très au courant de rumeurs évanouies aussitôt qu’elles naissent, rumeurs de bourse, rumeurs de coups d’état; nous n’avons pas précisément le goût des commérages, et nous ne les jugeons pas indispensables en matière d’appréciation politique. Il va du reste sans dire que les candidatures présidentielles sont plus que jamais à l’ordre du jour; mais nous nous en sommes assez expliqués l’autre fois, et nous n’avons aujourd’hui qu’à le répéter : Laissons venir chaque chose en son temps, laissons à chaque moment sa peine, et n’entreprenons pas la veille ce qui est l’affaire du lendemain. Il y a une affaire pendante, la révision; il y en a une seconde après celle-là, quel que soit le résultat de la première : l’élection générale d’une assemblée nouvelle, ou constituante ou législative. Toutes ces affaires, qui sont grosses, arrivent par la date de leur échéance avant le moment définitif de 1852. Suivant la manière dont elles seront résolues, elles influeront dans un sens ou dans l’autre sur la solution dernière. Pourquoi vouloir en quelque sorte les enjamber et passer par-dessus les solutions intermédiaires, pour précipiter le dénoûment, au lieu de le préparer? On espère peut-être passionner le pays avec des noms propres, et l’agitation populaire se plaît en effet à suivre ces mobiles émouvans; nous espérons, nous, qu’il ne manquera pas d’hommes assez courageux et assez sages pour opposer des desseins plus désintéressés et plus patriotiques aux entrainemens qu’on voudrait déchaîner. La possibilité d’une révision, l’issue des futures élections générales, ce sont là les vrais problèmes, les problèmes sérieux. Tant vaudra le pouvoir législatif, tant vaudra l’exécutif. Si nous ne sommes point encore à même de savoir dans quelles mains celui-ci tombera, il dépend de nous d’empêcher l’autre de tomber en des mains mauvaises. Travaillons-y loyalement; nous y gagnerons plus que nous n’avons chance de gagner en nous amusant toujours à l’éternel racontage d’un 18 brumaire impossible, ou en passant le temps, comme nous le passions hier, à nous demander mystérieusement si le général Changarnier n’allait pas surgir à côté du prince de Joinville, pour avoir aussi son morceau de candidature et tenir son coin dans cette triste partie où l’on oserait bien jouer le sort de la France!

Nous avons encore à signaler, avant de clore cette rapide esquisse de notre état intérieur, quelques documens qui sont bons à connaître pour s’en faire une idée plus complète. La démagogie s’est produite derechef dans des manifestes qu’il n’est point permis de négliger entièrement, malgré le juste dégoût qu’inspire cette incessante redite des mêmes absurdités et des mêmes fureurs. Une publication intéressante, la brochure de M. Kératry, a mis en lumière tous les sentimens des véritables amis de l’ordre; d’autres, plus exclusives, tout en prouvant les bonnes intentions de leurs auteurs, sont trop marquées du cachet de certains partis ou de certains dévouemens. Nous avons deux manifestes rouges au bilan révolutionnaire de la quinzaine. Le premier est compris dans les pièces saisies par la police à l’occasion du complot allemand, auquel il faut bien ajouter foi, maintenant que plusieurs d’entre ceux qui se donnaient l’air de n’y point croire n’ont pas, dit-on, jugé inutile de se tenir eux-mêmes à