Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aide. Il sait que ce sont des lois préventives ou des lois répressives et qu’elles ne peuvent avoir un autre caractère, sa conduite, ses actes, ses paroles étant ce qu’ils sont.

Là cependant où les résultats de ce faux point de départ de la révolution française se sont fait le plus sentir, là où cette absence d’un principe intérieur et d’une réforme morale a le plus exercé ses ravages, c’est dans l’individu lui-même. Nous n’insisterons pas sur ce point douloureux autant que sur les précédens ; la révolution a détruit l’intégrité de la nature humaine, elle a opéré le divorce entre l’intelligence et la conscience. L’intelligence des hommes de notre temps est plus forte que leur conscience, l’une ne dépend pas de l’autre, elles vivent séparées. Ils comprennent toutes les choses, les bonnes et les mauvaises ; ils connaissent leurs qualités, n’ont pas de préférences et s’en servent indistinctement ; le tout est de savoir comment s’en servir sans se nuire. Les uns ont pour se conduire la politesse, le dandysme, toutes les qualités extérieures de l’homme civilisé ; les autres, la crainte de la prison et du châtiment. Il n’y a pas une chose dont nous ne connaissions toutes les ressources. Si la conscience était en rapport avec l’intelligence et la science générale répandues aujourd’hui, la société moderne serait d’une puissance, d’une grandeur et d’une beauté incomparables. Cette seule chose fait défaut, et tout marche à la dérive, tout périt. Les hommes de notre temps ont des opinions raisonnées, tout aussi bien déduites que par le passé : pourquoi donc sont-elles les unes si froides, les autres si fausses malgré leur logique ? La conscience n’a pas présidé à leur formation, l’ame leur manque, et elles n’ont que la flamme que les passions leur prêtent par instans. Ils ont des opinions et ils les soutiennent : combien en est-il qui consentiraient à mourir pour les défendre ? On peut comparer notre histoire à celle des temps passés : on trouvera peut-être dans cette dernière autant de crimes, de perfidies, de révolutions ; mais on y trouvera aussi ce qui manque dans la nôtre, le courage moral, et c’est à cause de ce défaut et de ce vice capital que les pessimistes modernes et les défenseurs du passé ont raison sur les optimistes et les défenseurs du présent dans la comparaison qu’ils font chaque jour des siècles passés et du siècle présent.

Voilà les vraies causes de la crise ; elle est en vous, elle n’est pas ailleurs. La révolution française et le XVIIIe siècle l’ont créée, et, avouons-le, nous l’avons entretenue en nous avec complaisance. C’est cette réforme intérieure qui est nécessaire, et non pas l’organisation du travail, la république sociale ou le rétablissement de la monarchie traditionnelle. Malheureusement nous vivons dans un âge de scepticisme, et on peut dire aussi de corruption. La foi ne se commande pas ; il faut pour l’établissement des vertus morales un sol préparé ; pour quelles aient leur efficacité dans l’homme, il faut aussi qu’elles y aient séjourné