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du travail. Sectateurs fanatiques de la loi de Mahomet, les Malais n’ont guère adopté des préceptes de l’islamisme que certains rites extérieurs. Leur religion vague et superficielle n’impose aucun frein aux passions. Si l’amour du plaisir ou du pillage, si la soif de la vengeance s’éveille chez le Malais, il n’y a que la crainte du châtiment qui puisse l’arrêter; mais, dans l’emportement d’un penchant soudain, son intelligence obscurcie méconnaît aisément cette unique barrière, et n’hésite presque jamais à la franchir. Le travail vient dompter, par de salutaires fatigues et par les mille liens dont il entoure le cultivateur, ces dispositions versatiles et ces appétits sauvages. Les Hollandais ont le sens positif et pratique; leur politique froide ne s’égare point dans les voies de l’utopie. Nul gouvernement n’était mieux fait que celui des Pays-Bas pour ménager les instincts des peuples de la Malaisie, pour triompher avec habileté de leurs répugnances, pour exploiter sans brusquerie cette race endurante et facile à conduire, pourvu qu’on ne viole pas ses antiques coutumes. Les Hollandais, dans l’archipel indien, ont maintenu la constitution de la propriété telle qu’ils la trouvèrent établie. Héritier des souverains musulmans, leur gouvernement est le seul possesseur de la terre. Satisfait d’avoir su préserver ces vastes contrées des famines qui ont si souvent désolé l’Inde anglaise, il regarde comme légitimes les immenses bénéfices qu’il prélève sur le travail de seize millions de sujets, auxquels il assure un bien-être supérieur à celui dont jouissaient ces peuples résignés sous l’autorité de leurs anciens maîtres. Ce n’est point dans les Moluques, c’est à Java qu’il faut étudier le système de culture des colonies néerlandaises; c’est là qu’éblouis par les magnifiques résultats auxquels ont concouru l’industrie des Européens et le labeur des indigènes, on se sent disposé à amnistier la contrainte féconde qui a enfanté de tels prodiges. C’est dans les Moluques au contraire que l’on peut, bien mieux qu’à Java, admirer la sollicitude de l’administration néerlandaise pour l’avancement moral des populations. A Java, le gouvernement hollandais n’ose point tenter ce qu’il essaie d’accomplir à Amboine et sur d’autres points du grand archipel d’Asie. Il craint de froisser des croyances fanatiques et s’abstient soigneusement de toute propagande. La Hollande ne saurait oublier cependant que l’exercice de la puissance oblige. Il n’est aucune race sur la terre qui ne soit, dans une certaine mesure, perfectible, et si le respect pour les préjugés des populations peut être momentanément conseillé par une politique prudente, ce respect ne doit jamais tendre à maintenir dans une perpétuelle enfance des peuples auxquels la Providence n’a point accordé sans dessein le contact d’une civilisation plus avancée. Les efforts du gouvernement hollandais pour propager dans les Moluques la connaissance de l’Évangile et la morale chrétienne offrent donc un heureux contraste avec l’apparente