Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première chambre formée en exécution de la charte, avec toutes les garanties que l’expérience avait indiquées et dans des circonstances qui n’y ont appelé que les partisans les plus déclarés de la monarchie légitime, on verrait la prérogative du monarque envahie de nouveau et les commissions de la chambre exerçant à cette tribune la fonction royale de l’initiative ? Je m’arrête ici, je cède au découragement qui s’empare de moi, et je déplore cette fatalité qui nous repousse sans cesse vers les bords de l’abîme d’où nous sortons à peine. L’initiative royale n’est pas une vaine forme dont on puisse s’écarter sans danger. C’est elle qui constitue la nature de notre gouvernement et qui le maintient monarchique au milieu des élémens qui le composent. Dépouiller le roi de l’initiative que la charte lui réserve, ce serait frapper la royauté au cœur[1]. »

Cependant les entreprises de la chambre allaient devenir irrésistibles, et M. Royer-Collard poussa les ministres à en demander au roi la dissolution. Cette dissolution fut prononcée par l’ordonnance du 5 septembre 1816, qui convoquait une autre chambre par un nouveau mode d’élection. M. Royer-Collard, transporté de joie, s’écria « qu’on devrait élever des statues au ministre qui avait délivré la France des folies de la contre-révolution. » La majorité de la chambre nouvelle eut un esprit tout différent. Le parti du privilège se trouva en minorité. On s’occupa d’assurer cette situation pour l’avenir, en convertissant en loi l’ordonnance qui l’avait produite. Cette ordonnance avait transféré l’élection au chef-lieu du département et l’avait éloignée du chef-lieu d’arrondissement, qui était plus soumis à l’influence des partisans de l’ancien régime. M. Royer-Collard, se trouvant en face d’une majorité raisonnable, put modifier déjà la tactique de ses discours. Au lieu de prendre uniquement son appui sur le roi, il pouvait maintenant s’appuyer aussi sur la chambre élective, et en conséquence il ne la regarda plus comme une simple émanation de la royauté, sans caractère représentatif, ne devant être élue que par le petit nombre, n’exprimant que son propre avis, et non celui de la nation[2]; mais il déclara, dans son discours du 26 décembre 1816, qu’il fallait reconnaître dans la chambre l’intervention de la nation elle-même, qui exerce sur son gouvernement une influence régulière, afin que ses vues et ses besoins soient connus et ses droits respectés, et afin que la liberté politique vienne au secours de la liberté civile, dont elle est la seule garantie efficace; que la chambre élective constitue les gouvernemens qu’on appelle représentatifs, qu’elle sera investie d’une confiance d’autant plus

  1. Discours du 15 mars 1816.
  2. Discours du 24 février 1816.