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corrigeait ces abus, qui assuraient à l’aristocratie la majorité dans les chambres, l’Angleterre serait précipitée dans l’abîme des révolutions; qu’en France, à défaut d’aristocratie, c’était le roi qui devait retenir tout le pouvoir. « Le jour, poursuivait-il, où le gouvernement sera à la discrétion de la majorité de la chambre, le jour où il sera établi en fait que la chambre peut repousser les ministres du roi, et lui en imposer d’autres, qui seront ses propres ministres, et non les ministres du roi, ce jour-là, c’en est fait, non pas seulement de la charte, mais de notre royauté, de cette royauté indépendante qui a protégé nos pères, et de laquelle seule la France a reçu tout ce qu’elle a jamais eu de liberté et de bonheur; ce jour-là nous sommes en république. »

Quelle distance n’y a-t-il pas entre ce langage et celui que tenait le même orateur soit dans ses discours contre le ministère de M. de Villèle, soit lorsqu’il lut au roi Charles X l’adresse qui repoussait son ministère et lui refusait le concours de la chambre des députés! Mais, nous l’avons dit, ces théories sur la forme du gouvernement n’étaient pas la vraie pensée de M. Royer-Collard. Sous la question qui s’agitait en paroles, il y en avait une autre qui se débattait dans l’esprit de tous : au fond, il s’agissait de savoir si les partisans du privilège resteraient au pouvoir, et non si le gouvernement de la France devait être monarchique ou représentatif; M. Royer-Collard, voyant en ce moment la monarchie amie du progrès, élevait la prépondérance de la monarchie en France à la hauteur d’une doctrine immuable et éternelle. Cette disposition de son esprit à faire d’une question accessoire une doctrine, le ton sentencieux de sa parole, peut-être aussi le souvenir des derniers maîtres sous lesquels il avait étudié lui valurent le nom de doctrinaire, et ce nom s’étendit au petit nombre d’orateurs qui partageaient ses opinions et savaient imiter sa manière. Néanmoins la doctrine fondamentale de M. Royer-Collard, celle qu’il n’abandonna jamais, ce fut, on ne saurait trop le redire, la haine des privilèges et le respect de la raison publique. Il pensait donc déjà en 1816 ce que dit plus tard l’adresse de 1830, lorsqu’elle reprochait au pouvoir de ce temps une défiance injuste des sentimens et de la raison de la France. Ce ne fut pas pour sa véritable et immuable doctrine que M. Royer-Collard reçut le nom de doctrinaire, mais pour des théories nées du moment et que le lendemain devait emporter.

Dans la discussion du budget, l’orateur philosophe conserva la même position. La commission de la chambre avait introduit un article sur l’arriéré qu’elle voulait payer par une demi-banqueroute. ne tenant aucun compte des services rendus aux gouvernemens précédens. Le roi n’avait point proposé cette criante injustice. « Ah! messieurs, s’écria M. Royer-Collard, qui l’eût dit que, dès la première session de la