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constructeurs de navires en multipliant les régates, et en accordant des vases, des pièces d’orfèvrerie aux yachts français les plus rapides? Il ne serait pas impossible de voir un jour les habitans les plus riches de nos ports de mer croiser, dans d’élégans bâtimens, sur les côtes du Hampshire ou du Sussex, qui sait même? peut-être entrer en lice avec l’Alarm, l’Arrow, la Gipsy-Queen ou la redoutable America! Glaucus, à M. le duc d’Orléans, n’a-t-il pas gagné la coupe d’Ascot, battant les meilleurs chevaux de l’Angleterre ? Il ne faut donc désespérer de rien. Dans tous les cas, des essais de cette nature seraient éminemment profitables à notre marine. Quand on songe à l’étendue de nos côtes, il est déplorable de se dire que, sur la liste universelle et officielle des yachts publiés cette année, on ne voie pas figurer le nom d’un seul bâtiment français. Le Club impérial de Saint-Pétersbourg, dont le prince Labanoff est commodore, compte dix-neuf navires, jaugeant ensemble 1,199 tonneaux, au nombre desquels s’en trouvent d’assez forts: le schooner de l’empereur, Queen-Victoria par exemple, les schooners Tsavitsa du prince Serge Kotchoubei, et Zabava de M. de Schischmareff ; Le Club royal néerlandais, que préside le prince Henri des Pays-Bas, réunit déjà onze yachts. Le Club de New-York n’en possède pas moins de vingt-cinq, au nombre desquels la célèbre goélette du commodore Stephens, America, qui, cette année, a défié le monde entier et a tout distancé en Angleterre,

il y a dix-sept clubs de yachts chez nos voisins[1]; les membres de ces différens cercles ont sous leurs ordres sept cent quatre-vingt-quinze navires, jaugeant environ 7,316 tonneaux, depuis la yole de 3 tonneaux jusqu’au schooner de 393 tonneaux. Or, pour évaluer l’ensemble de leurs équipages, en comptant un homme pour 5 tonneaux, ce qui est la règle des courses, on trouve un chiffre de douze à treize cents marins d’élite, expérimentés, adroits, sobres, et qui peuvent servir de modèles comme matelots, grâce à l’engagement inviolable pris entre les membres des différens clubs de ne jamais se servir d’un homme qui leur aurait donné quelque sujet de mécontentement. En temps de guerre, ces légers navires, montés par des marins déterminés à tenter des abordages, feraient d’excellens corsaires; il en est dans le nombre d’un assez fort échantillon pour porter du canon.

Il ne faut pas croire que les yachts se bornent à des excursions sur les côtes de l’Angleterre; l’année dernière, une escadrille de plus de soixante voiles, sous les ordres de lord Wilton, commodore, ayant son pavillon à bord du Xariffa, schooner de 209 tonneaux, est allée rendre visite au président de la république à Cherbourg. M. Stephenson était arrivé depuis quelques semaines de Malte dans l’île de Wight à bord

  1. Dix en Angleterre, quatre en Irlande, deux en Écosse, un dans le pays de Galles.