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matière, les prétentions de l’esprit de système sont puériles et condamnées par l’histoire. Ce qui importe, c’est que la législation se trouve constamment en harmonie avec les intérêts actuels, qu’elle soit tour à tour protectrice et libérale, mais que toujours elle ménage les transitions. Les industries arrivent alors naturellement au champ de la libre concurrence. Les réformes anglaises n’ont jamais eu d’autre caractère : la réforme des lois maritimes peut servir d’exemple.

Nous voyons, par les chiffres cités précédemment, que la marine anglaise avait atteint depuis 1830 le plus haut degré de prospérité : aussi, lorsque, à la séance de la chambre des communes du 9 février 1847, M. Ricardo proposa la formation d’un comité d’enquête pour étudier toutes les questions se rattachant au remaniement des lois de navigation, une majorité considérable adhéra à la motion qui, évidemment, d’après le nom de son auteur, était inspirée par les idées les plus libérales. L’enquête eut lieu devant un comité qui comptait parmi ses membres les hommes les plus distingués du parlement, entre autres sir Robert Peel. L’année suivante, une enquête analogue fut ordonnée par la chambre des lords. L’ensemble des documens recueillis dans les deux enquêtes ne forme pas moins de huit volumes de blue-books, contenant plus de 16,000 réponses aux questions qui furent successivement posées aux représentans des diverses branches de l’intérêt maritime. A la lecture de ces documens, l’impression générale fut que, nonobstant l’opposition très énergique manifestée par un certain nombre d’armateurs et par la presque unanimité des constructeurs de navires, il était urgent de porter le dernier coup aux débris de la législation de 1660. Aussi, dès le 15 mai 1848, le gouvernement proposa-t-il à la chambre des communes un projet de résolution conforme au vœu de la majorité. Les protectionistes étaient eux-mêmes si intimement convaincus de la nécessité de céder au courant de l’opinion publique et de faire au moins quelques concessions aux tendances libérales, qu’ils n’osèrent opposer au projet du gouvernement qu’une motion timide et ambiguë, dont le rejet fut voté par une majorité de plus de cent voix. La cause de la réforme devait dès ce moment être considérée comme gagnée.

Un premier bill, en date du 14 août 1848, n’ayant pu être discuté avant la prorogation du parlement, on attendit la reprise de la session pour la présentation du bill définitif, qui fut voté à la troisième lecture, par la chambre des communes, le 23 avril. Dès le 24, la chambre des lords était saisie à son tour de l’examen du bill, dont la troisième lecture eut lieu le 12 juin. Enfin, le 26 juin 1849, le nouvel acte recevait la sanction de la couronne et était officiellement promulgué.

Ce n’est pas sans intention que nous avons rappelé ces incidens et ces dates qui sembleront peut-être n’avoir qu’un médiocre intérêt dans la question. Nous avons tenu à faire ressortir la maturité que le