genre. L’écrivain, un des beaux-esprits de l’époque, suppose que Jupiter, las de voir les façons d’agir des humains, voulut mettre ordre aux affaires de ce monde et rappeler ceux qui le gouvernaient au respect de leurs devoirs. Il résolut donc de leur donner un modèle formé de sa propre main; puis, son œuvre accomplie, il assembla les dieux et la leur présenta, ajoutant qu’il avait jugé bon de la nommer (non sans quelque négligence grammaticale) : Fidem regum orbinatem ducem. c’est-à-dire ou à peu près : Bonne foi royale, guide de l’univers. Les habitans de l’Olympe applaudirent aux intentions de Jupiter, et, comme ils ne se piquaient pas d’être puristes, ils trouvèrent le nom bien choisi; après quoi, l’être dans lequel s’était incarnée la volonté céleste fut dépêché vers la terre. Il y vécut fidèle à son origine et à sa mission; seulement il n’y conserva pas dans son intégrité première ce nom reçu des dieux, et Fidem regum, etc., devint, selon Marsile Ficin, Federigo Urbinate duca. Peut-être cette fiction, par trop ingénieuse, fit-elle réfléchir Frédéric sur le danger des interprétations, et lui inspira-t-elle une juste défiance de l’exactitude des traducteurs en général. Ce qui est certain, c’est que bientôt il n’excita plus personne à traduire les chefs-d’œuvre de l’antiquité grecque. Il voulut que ses sujets pussent les lire dans le texte même, et il attira à Urbin deux Grecs fugitifs, qui y ouvrirent chacun une école. Quant au latin, il en avait fait depuis long-temps la base de l’éducation publique, et l’usage de cette langue était devenu si général, que, même pour écrire une lettre familière, on ne se servait plus de l’italien.
Les travaux scientifiques et littéraires ne furent pas l’unique objet de l’ardente sollicitude de Frédéric. Le célèbre architecte siennois Francesco di Giorgio nous apprend qu’en 1475 il était à lui seul chargé de la construction de cent trente-six édifices sur le territoire du duché, occupations auxquelles se joignaient des soins d’un autre genre; car le duc, selon sa coutume de tout résumer en préceptes, n’avait eu garde d’employer un pareil homme sans lui recommander d’écrire un traité sur son art. Les palais d’Urbin, de Cagli et de Gubbio s’enrichirent de sculptures dues, pour la plupart, au ciseau d’artistes florentins, de bronzes, de marbres antiques et (ce qui était alors un luxe presque sans exemple) d’une collection complète d’instrumens de musique. La peinture ne pouvait être moins protégée que les autres arts; mais, comme l’architecture et la statuaire, elle fut pratiquée, sous le règne de Frédéric, par des hommes nés pour la plupart en dehors des états de ce prince. L’école d’Ombrie se formait à peine, et le moment n’était pas venu encore où le nom d’Urbin allait être inséparable de celui du peintre par excellence. Il importe cependant de voir ce qu’étaient ces prédécesseurs de Raphaël et d’observer quelques-unes des œuvres qui devaient attirer ses premiers regards.