siècle, sont impuissans à arrêter la décadence du goût, et, lorsqu’on voit les Médicis eux-mêmes employer toute leur influence à accréditer des nouveautés décevantes, a-t-on le droit de reprocher aux ducs d’Urbin de suivre un tel exemple et de céder à l’entraînement général vers les fastueuses productions de la médiocrité?
Le caractère aventureux de François-Marie, héritier de Guidobaldo, diffère essentiellement de celui de son père adoptif, et s’il fallait chercher dans la famille du quatrième duc d’Urbin l’exemple des inclinations guerrières qu’il manifesta toute sa vie, ce serait sur Jules II, à ce qu’il semble, qu’il conviendrait de jeter les yeux. Aussi le pape, qui se reconnaissait dans son neveu, le jugea-t-il digne de commander ses armées à l’âge où le plus souvent on débute dans la carrière militaire. François-Marie n’avait que dix-huit ans lorsqu’il fut nommé capitaine-général des troupes de l’église. Bien peu après, il dirigeait en cette qualité l’expédition entreprise en Romagne pour forcer les Français à évacuer l’Italie et réduisait Mirandola. Jules II, dont la clémence était loin, comme on sait, d’égaler le courage, avait bonne envie de se venger sur cette ville de l’invasion française et de mettre à sac sa nouvelle conquête; mais François-Marie se montra plus généreux, et, grâce à son intervention, Mirandola fut sauvée du pillage. — Qu’on ne se hâte pas de tirer de ce fait une conclusion trop favorable à la modération du jeune prince. On va voir qu’il suivit assez mal pour son propre compte les inspirations qu’il suggérait aux autres, et qu’après avoir conseillé de pardonner à des ennemis communs, il ne sut pas faire aussi bon marché de ses ressentimens personnels.
Jules II s’était retiré à Ravenne, après la prise de Mirandola, laissant au duc d’Urbin le soin de défendre Bologne de concert avec le cardinal de Pavie, nommé à cet effet second chef de l’armée. Une fois sous les murs de la place, François-Marie proposa de s’y jeter et d’y attendre les Français; mais le cardinal, qui avait avec eux des intelligences secrètes, manœuvra si bien, qu’une nuit le maréchal Trivulce put se rendre maître de Bologne presque sans coup férir. Contraint de battre en retraite, François-Marie se replia sur Ravenne, où le cardinal, qui l’avait devancé, employait le temps à l’accuser auprès du pape des perfidies et des lâchetés qu’il avait commises lui-même. On juge de l’accueil que Jules II réservait à son neveu. Il le déposséda du commandement, lui reprocha publiquement sa prétendue trahison, et le traita avec une violence telle que le duc indigné sortit sur-le-champ du palais. Au moment où il mettait le pied dans la rue, le cardinal la traversait à cheval, suivi d’une pompeuse escorte. Ivre de furie à la vue de ce calomniateur, François-Marie se précipite sur lui, le jette à terre et le