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de François-Marie le bâton de capitaine-général pour le donner à Julien de Médicis. À la mort de son frère, dont les scrupules entravaient encore l’exécution de ses projets, il saisit un prétexte pour rompre ouvertement avec le duc ; il osa évoquer de nouveau l’affaire du meurtre du cardinal de Pavie, affaire dans laquelle il s’était prononcé comme juge trois ans auparavant ; une bulle d’excommunication fut lancée, et le lâche Laurent, instrument docile des volontés de son oncle, se laissa appeler au gouvernement du duché d’Urbin.

Forcé de se courber devant l’orage, François-Marie se retira à Mantoue ; mais, tout en abandonnant ses états comme Guidobaldo. il se garda bien d’imiter la conduite passive de ce prince et sa résignation philosophique. Au bout de quelques mois, il s’avançait en Romagne, suivi d’une poignée de soldats mercenaires que la vente des bijoux de la duchesse, sa femme, lui avait permis de réunir, et il reparaissait dans sa capitale, où des émissaires avaient préparé un soulèvement. Le pape, effrayé de ce coup de main, se hâta d’appeler au secours de Laurent Charles-Quint et le roi de France. Quelle résistance François-Marie pouvait-il opposer aux forces combinées de tels ennemis ? Une partie des villes du duché l’avait, il est vrai, reconnu ; mais les forteresses demeuraient au pouvoir de l’usurpateur. Le duc ne voulait pas sacrifier inutilement la vie de ses défenseurs : il ne voulait pas davantage céder une seconde fois à l’agression sans avoir cherché à la repousser, et ce fut pour sortir de cette perplexité qu’il adressa à Laurent le chevaleresque cartel que voici : « Comme il sied à un prince, quelle que soit la cause pour laquelle il combat, de s’efforcer d’atteindre son but en répandant le moins de sang possible ; comme il doit particulièrement épargner le pays sur lequel il a l’espoir de régner, je pense que l’expédient qui m’est venu à l’esprit conviendra au seigneur Laurent autant qu’à moi-même… Je propose donc audit seigneur d’amener, en tel lieu qu’il choisira, contre un nombre égal d’adversaires, quatre mille hommes, ou trois mille, ou cinq cents, ou vingt, ou quatre, ou même un nombre de combattans plus restreint, pourvu que lui et moi nous y soyons compris. Enfin, s’il préfère se mesurer avec moi seul, ce sera mieux encore, car la mort de l’un de nous deux résoudra sur-le-champ la question en litige et abrégera les angoisses de tout le monde… Je crois que ces propositions, si raisonnables, seront reçues avec plaisir, et je demande qu’on me réponde dans un délai de trois jours. » Laurent, pour toute réponse à un défi qu’il n’était nullement disposé à accepter, retint ceux qui le lui avaient apporté, et, dans l’espoir d’apprendre d’eux quelque chose de plus utile, il les fit mettre à la torture.

En s’avisant de cet expédient « si raisonnable » selon lui, François-Marie faisait acte de naïveté autant que de bonne foi et de courage. Il ne lui était guère permis de compter qu’un ennemi, sûr de gagner autrement la partie, consentirait à la jouer sur un coup de dé ; mais,