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assistance à la mère de la reine, Marie de Lorraine, régente d’Écosse, contre la ligue des lords de la congrégation. Sur le continent, il avait employé son activité et son audace au service de la fille. En Écosse, sa valeur venait de rétablir l’ordre dans les provinces du sud-est ; il avait saisi de sa main un des chefs des rebelles, et son sang avait coulé. Au milieu d’ennemis qui se servaient de Marie pour s’entre-détruire ou de serviteurs tout prêts à devenir ses ennemis, Bothwell lui paraissait le seul sujet de distinction qui lui fut fidèle. Elle l’aima, et du moins ce ne fut pas, comme pour Darnley, à l’extérieur qu’elle se laissa prendre : la reconnaissance, l’estime pour la valeur, furent les seules séductions de Bothwell, et Marie put croire d’abord qu’elle n’écoutait que de bons sentimens, quand elle cédait à une passion criminelle.

Les bruits qui en couraient avaient ajouté à l’irritation de Darnley et rendu son isolement plus farouche. Il voulait quitter l’Écosse. Un vaisseau était à l’ancre, prêt à le recevoir, et Marie le savait. En janvier 1567, il tombe malade. On ne s’attendait pas à ce que Marie le visitât. Cependant, le 22 janvier, elle partait pour Glasgow ; elle voyait Darnley, alors convalescent ; elle le ramenait à Edimbourg à petites journées, en litière ; elle l’installait, le 31 janvier, dans une maison hors des murs de la ville ; elle y couchait deux fois, et promettait d’y coucher la nuit même de l’assassinat ; mais, dans la soirée, elle retournait a Holy-Rood, où elle assistait à une fête de nuit donnée pour les noces d’un de ses serviteurs. Quelques heures après, Darnley et son page étaient étranglés, leurs corps jetés dans un verger à quelques pas de la maison, et la maison elle-même sautait. On avait voulu faire croire à une mort par accident ; mais les deux cadavres, sans aucune trace de brûlure, ne laissèrent aux nombreux témoins accourus dès l’aube sur le lieu du crime aucun doute que Darnley n’eût péri assassiné.

Marie en paraît un moment accablée ; elle se tient tout le jour suivant enfermée dans son appartement, les fenêtres closes, son lit tendu de deuil. Le seul Bothwell est admis auprès d’elle. Aucune mesure n’est ordonnée pour la recherche du crime ; Marie laisse au conseil privé le soin d’en instruire la cour de France. Seulement elle écrit de sa personne à son ambassadeur, l’archevêque de Glasgow, sans une seule parole de regret pour le mort, mais en se félicitant que Dieu, et non le hasard, « lui ait mis à l’esprit d’aller à cette fête de nuit. » Le mercredi seulement, une proclamation promet 2,000 livres d’Écosse à qui donnera des renseignemens sur le crime. Des placards dénoncent Bothwell et ses complices ; le père de Darnley, dans deux lettres touchantes, prie la reine de venger le meurtre, et nomme les personnes indiquées par les placards ; Marie fait des réponses évasives ; elle s’oublie, à dix-neuf jours du meurtre, dans des distractions au moins étranges. Cependant un simulacre de procès s’instruit ; Bothwell, au faîte des honneurs