un moment, le fanatisme étroit et violent d’un sectaire, ni même l’indifférence d’un juge laissant appliquer des lois plus dures que lui. Ce premier bonheur m’aurait-il persuadé que je suis juge expert pour ces sortes de cas, et la disposition que j’ai à douter n’est-elle que la confiance qui m’en serait restée? Sans doute Marie Stuart n’est pas Thomas Morus; mais si ses faiblesses et ses fautes la laissent bien loin de ce type du parfait homme de bien selon le christianisme, il y eut néanmoins dans cette ame assez de bonté, de générosité, de courage, et, devant la même hache qui avait fait tomber la tête de Morus, assez de la grandeur simple et de la douceur de ce grand homme, il y eut assez de bien en un mot, pour qu’aucun emportement passager, amour, haine ou crainte, y pût faire entrer le genre de complicité hypocrite et lâche dont elle est accusée dans l’assassinat de son mari. Voici, du reste, quelles sont mes raisons de douter.
Il faut me permettre un court résumé des circonstances qui précèdent, accompagnent et suivent le crime. J’abrège et je décolore le beau récit de M. Mignet; mais la clarté le veut et me servira d’excuse.
Depuis le meurtre de David Riccio, une aversion profonde éloignait chaque jour de plus en plus la reine de son mari, auteur principal de ce meurtre et bientôt lâche dénonciateur de ses complices. Celui-ci avait fini par se retirer chez son père, à Glasgow, et le baptême de son fils, depuis Jacques VI, s’était célébré sans qu’il y assistât. A mesure que Darnley perdait dans le cœur de Marie, Bothwell y prenait de l’empire. Jamais commencement de passion n’eut plus d’excuses. Ce Darnley, qui avait les mains teintes du sang de Riccio, était le plus infidèle des maris et le plus despote des princes : ivrogne, débauché, ingrat envers la femme qui l’avait fait roi, sans talent, sans jugement, quoique avec beaucoup d’ambition, emporté, furieux, battant les gens, quand il les savait de condition ou de caractère à recevoir les coups sans les rendre, d’un orgueil intraitable, enfin un homme dont l’ambassadeur d’Angleterre écrivait : « Quand ils ont tout dit (les grands d’Ecosse) et pensé tout ce qu’ils peuvent, ils ne trouvent qu’une chose, c’est qu’il faut que Dieu lui envoie une prompte fin ou à eux une vie misérable. C’est grand’pitié de penser combien de gens sont en hasard et en danger pour leur vie, leurs terres et leurs biens! Le seul remède, c’est que Darnley disparaisse, ou que ceux qu’il hait trouvent quelque bon appui. »
Sans doute une partie des vices de Darnley avait déshonoré la jeunesse de Bothwell; mais de grands services les cachaient aux regards prévenus de Marie Stuart. Quoique protestant, Bothwell avait prêté