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réputation bien établie. De savans rapports l’ont fait connaître en France[1]. Le gouvernement voulait étendre à la Belgique les bienfaits de ce système si libéral. Il appela à grands frais des contrées voisines des professeurs illustrés dans toutes les branches de la science, et il fonda les trois universités de Louvain, de Gand et de Liège ; mais il heurta de front le clergé et provoqua sa résistance. Ce fut à l’occasion de l’érection d’un collège philosophique à Louvain, créé par décrets du 14 juin et du 11 juillet 1825, que la lutte commença. Le clergé vit d’un mauvais œil ce renouvellement d’une pensée de Joseph II, l’élève et l’ami des philosophes du XVIIIe siècle. L’empereur d’Allemagne avait trente-cinq ans auparavant, supprimé les séminaires des évêques en les remplaçant, par un séminaire général. Guillaume, roi protestant, reprenait cette voie dangereuse. En imposant la fréquentation de son collège philosophique, inauguré dans la même salle où l’avait été le séminaire général, aux jeunes gens qui se destinaient à la carrière cléricale, il froissait cruellement les évêques, qui, malgré trente-cinq ans de révolutions ; n’avaient perdu en Belgique ni leur position, ni leur influence, ni leurs prétentions. Il s’engageait en même temps sur le terrain brûlant de l’antagonisme religieux des deux pays. Depuis le XVIe siècle, la Hollande avait été un des ardens foyers du protestantisme. La haine à la fois nationale et religieuse de Philipe II, Espagnol et catholique, avait amené l’émancipation des provinces-unies. Plus tarde, la foi protestante avait, il est vrai, divisé les réformes néerlandais et les avait partagés en nombreuses sectes ; mais toutes ces sectes se réunissaient dans une même haine contre le catholicisme, l’ennemi commun. En Belgique, au contraire, comme sous Philippe II, toute la nation était restée catholique et un soulèvement général avait accueilli les réformes tentées par l’héritier de Marie-Thérèse. Guillaume avait compris si bien cette dangereuse différence, qu’il avait proclamé le premier dans la foi fondamentale l’égalité des deux religions. Malheureusement, après avoir à grand’ peine calmé l’agitation provoquée par les anathèmes de l’évêque de Gand, Maurice de Broglie, qui foudroyait cette tolérance de la constitution, il rouvrait lui-même la porte aux luttes religieuses par la création de son collège philosophique. Le clergé ne lui pardonna pas. Il se crut attaqué dans ses prérogatives, et il considéra le nouveau roi des Pays-Bas comme un ennemi dangereux de l’église romaine ; vainement Guillaume s’efforça plus tard de le rattacher à ses intérêts, en négociant avec la cour de Rome le concordat de 1827. Les évêques acceptèrent le concordat, mais ils se souvinrent de l’outrage.

  1. Voyez dans la Revue du 15 février 1837, Visite à l’université d’Utrecht, par M. Victor Cousin.