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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1851.

Le pouvoir est chose aujourd’hui si débile et si fragile, quelles que soient les mains qui le tiennent, qu’on ne saurait trop ménager dans ses paroles le peu qu’il en reste. Nous ignorons l’issue dernière de toutes ces épreuves à travers lesquelles nous passons, et dont chacune ébrèche pour ainsi dire ce pouvoir qui s’en va par morceaux; mais, au milieu de tant de vicissitudes, la première règle des gens de bien, c’est de ne pas s’exposer à ce qu’on vienne un jour leur reprocher justement de l’avoir, eux aussi, diminué par la trop vive expression des répugnances même les mieux fondées, par l’âpreté irréfléchie du blâme même le plus consciencieux. Il ne faudrait pourtant pas que, d’un autre côté, le pouvoir se diminuât à plaisir, et n’eût pas du moins autant de souci de sa propre conservation qu’il en inspire à ceux qui veulent par-dessus tout le conserver. Il ne faudrait pas qu’il allât de gaieté de cœur se compromettre dans les situations équivoques et par un aveuglement sans égal, prenant en quelque sorte sa faiblesse pour sa force, croyant faire preuve de l’une, faire étalage de l’autre. Il ne faudrait pas qu’il y eût jamais trop de disparate entre les conditions normales auxquelles s’exerce un pouvoir sérieux et la qualité intrinsèque des dépositaires qui en sont revêtus. Alors, en effet, nait un double embarras pour les véritables amis du pouvoir, pour ceux qui comprennent le mieux combien il est nécessaire qu’il soit, parce qu’ils se représentent le mieux tout ce qu’il doit être; il y a l’embarras de parler et l’embarras de se taire. Signaler son insuffisance actuelle, c’est risquer de la rendre encore plus sensible. La dissimuler et la couvrir, fût-ce par un silence obligeant, c’est contribuer à voiler encore l’image déjà si obscurcie du pouvoir régulier, en semblant accepter les dehors caduques d’une autorité accidentelle et précaire comme le fonds même d’une autorité durable.

Telle est franchement la raison pour laquelle, tout en disant quelque chose du nouveau ministère, nous n’en voulons cependant pas trop dire. On sait comment il a été composé. Il est sans doute d’assez mauvaise grâce d’accuser