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c’est-à-dire de tirer un coup de fusil ou une flèche en faisant volte face. Il faut reconnaître néanmoins que ces troupes irrégulières ont certains avantages : d’abord, elles comptent pour près des trois quarts dans les forces militaires de la Perse; elles sont généralement bien montées, et chaque homme, excellent cavalier, ne manque pas de courage personnel. De telles qualités demeurent malheureusement stériles, faute de discipline, faute de cette confiance et de cet appui mutuels qui sont la force des troupes régulières. Ces auxiliaires ne reçoivent pas de solde, ils doivent s’indemniser au moyen du butin fait sur l’ennemi : ils se trouvent ainsi intéressés au succès de la guerre, et devraient, ce semble, coopérer de tous leurs efforts à la victoire; mais que de fois n’est-il pas arrivé qu’ils se sont dédommagés sur les pauvres habitans de la Perse même de ce que l’ennemi ne leur avait pas permis de pilier chez lui ! Sous le prétexte qu’ils doivent être nourris aux frais du roi, les cavaliers irréguliers se ravitaillent aux dépens des villages ou des villes qu’ils traversent. Ils cherchent tous leur subsistance dans la maraude, et l’on peut dire qu’ils traitent leur propre pays en pays conquis. Ces miliciens demeurent ordinairement à l’armée tant que la guerre dure. Cependant, comme ils n’ont contracté aucun engagement et qu’ils servent de bonne volonté, il arrive quelquefois qu’ils retournent dans leurs foyers sans attendre la fin des événemens qui les en ont fait sortir.

Indépendamment de cette cavalerie irrégulière qui porte le nom de atli, les différentes provinces de Perse fournissent encore, en temps de guerre, quelques milliers de tuffekdjis ou fusiliers qui composent une infanterie tout aussi peu astreinte aux lois de la discipline. De notables efforts ont été faits néanmoins pour imposer à ces divers corps une organisation plus satisfaisante. Lors de l’ambassade du général Gardanne, des officiers français, qui avaient figuré sur les champs de bataille de l’Europe, introduisirent les premiers élémens de la discipline dans l’armée persane, qu’on s’efforça de reconstituer sur le pied européen. Les officiers qui se vouèrent à cette entreprise rencontrèrent les plus grandes difficultés dans les préjugés nationaux et religieux. Cependant les fils du roi eux-mêmes, donnant l’exemple et faisant l’exercice, finirent par amener les moins récalcitrans à accepter un enseignement qu’ils réprouvaient au fond du cœur. Peu à peu, les résistances s’affaiblirent, et les instructeurs français réussirent à former quelques bataillons sachant à peu près manœuvrer.

C’est par l’habillement que commencèrent les réformes. Les longues robes orientales étaient peu propres à faciliter les mouvemens militaires, et, bien qu’ils y fussent habitués, les soldats persans devaient nécessairement en être embarrassés dans les marches. La robe fut supprimée et remplacée par une petite veste, sans basques, qui s’arrêtait