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à la ceinture. Au lieu des amples culottes ou chalvars qu’ils portaient, on leur donna des pantalons arrêtés et noués au-dessus de la cheville. La chaussure adoptée fut une espèce de brodequin de cuir lacé jusqu’à mi-jambe et très propre à la marche. On compléta l’équipement par des buffleteries qui soutenaient une giberne et un sabre-poignard.

L’artillerie, arme si indispensable et d’une si grande influence dans une bataille, ne pouvait être négligée par ceux qui avaient accepté la mission de constituer une armée en Perse; aussi y donnèrent-ils tous leurs soins. Parmi les officiers qui s’appliquèrent à cette entreprise figurait M. Fabvier, aujourd’hui lieutenant-général, qui fonda à Ispahan un arsenal duquel il fit sortir, comme par miracle, en très peu de temps, quelques pièces de campagne. Cet officier forma également un corps d’artilleurs qui fut le noyau et l’origine de l’artillerie persane.

Feth-Ali-Châh, émerveillé des changemens opérés, des améliorations introduites dans les forces militaires de son royaume, commençait à entrevoir la possibilité de résister dans cet étau où il se sentait serré par la Russie d’une part, de l’autre par l’Angleterre; mais les Anglais ne faisaient pas assez peu de cas de la Perse, malgré leur mépris apparent, pour ne point s’inquiéter de l’essor qu’avait pris l’armée de ce pays et des progrès que l’intelligence naturelle des Persans leur avait permis de faire dans la tactique. Aussi usèrent-ils de tous les moyens possibles pour couper court à une éducation militaire qui allait trop vite à leur gré. On sait comment ils réussirent à faire éconduire l’ambassade française de 1809 et tous les officiers qui en faisaient partie. Ils persuadèrent à Feth-Ali-Châh que des officiers anglais remplaceraient avantageusement ceux de Napoléon, et, avec l’arrière-pensée d’arrêter ou de neutraliser l’instruction militaire déjà acquise par les soldats persans, ils simulèrent l’intention de continuer l’œuvre commencée par les Français : en réalité, ils voulaient la détruire, et ils y réussirent.

Le changement fut fatal à la Perse, mais il ne fut guère plus favorable aux projets de l’Angleterre. Les Anglais, qui ne voulaient travailler que pour eux, travaillèrent, sans s’en douter, pour la Russie. Ils avaient fait avec le châh un traité par lequel ils s’engageaient à lui donner un subside de 200,000 livres sterling, afin qu’il pût lever et entretenir un corps régulier de douze mille hommes d’infanterie et vingt-cinq pièces de canon. Malgré ce secours. L’armée commandée par Abbas-Mirza, fils de Feth-Ali-Châh, fut constamment battue sur les bords de l’Araxe; la Géorgie fut conquise par la Russie, et plus tard la paix de Turkmân-Tchaï put seule arrêter les vainqueurs, à six journées de marche de la capitale. Les instructeurs anglais étaient cependant restés près de vingt ans en Perse avec d’énormes appointemens.