pierres à fusil que la Perse ne soit obligée d’acheter au dehors; aussi n’est-il pas rare d’y rencontrer des soldats qui n’ont point de silex à leurs fusils.
Divers épisodes qu’on m’avait racontés du siège d’Hérat confirmaient l’idée bien triste que j’avais conçue de l’artillerie persane. Ainsi c’est à peine si on put faire brèche aux murs en briques crues de cette ville. On avait apporté si peu de munitions, qu’il fallut fabriquer des boulets de pierre. Enfin le premier ministre, voyant l’insuffisance et l’inefficacité de ses canons, imagina de faire fondre au milieu du camp même une énorme pièce d’un calibre monstrueux, pour laquelle on ne put tailler qu’un petit nombre de boulets. Lancés à toute volée contre la ville, ces projectiles passaient par-dessus les murs, et des soldats enthousiastes de la science balistique du vizir se dévouaient pour courir les chercher de l’autre côté de la place. Le général Simonich, ambassadeur de Russie et vieux soldat de Napoléon, s’amusait beaucoup de ces innovations du mollah artilleur. Il ne fallait pas moins que des inventions aussi bouffonnes pour tromper l’ennui des longues heures qui se passaient à attendre la fin. toujours ajournée, du siège d’Hérat. L’armée qui investissait cette place était, il est vrai, composée d’une façon qui, partout ailleurs qu’en Perse, passerait pour exceptionnelle. Toute une population d’artisans et de marchands vivait à sa suite. Les troupes avaient emporté avec elles tout ce qui pouvait les aider à vivre pendant des années. Il semblait qu’elles voulussent fonder une colonie en face de la ville assiégée. Le camp royal avait l’aspect d’une ville : on y avait tracé des rues qui étaient bordées d’une quantité innombrable de tentes. Il y avait un bazar et des ateliers de toutes sortes. Les Persans, ayant, à ce qu’il paraît, fort peu de confiance dans leur force militaire ou dans leurs connaissances stratégiques, et pensant que ce siège pourrait être fort long, avaient poussé la prévoyance jusqu’à tracer des sillons autour de leur camp, et ils y avaient fait des semailles. Ils ne s’étaient pas trompés : les lenteurs furent telles qu’ils y firent la moisson. Pour décider la levée du siège, il fallut que le ministre anglais sommât le châh d’éloigner son armée, en le menaçant d’une déclaration de guerre et de l’entrée des troupes anglaises dans les provinces du sud. Cette sommation insolente fit reculer des hommes qui n’avaient redouté ni une marche longue et pénible à travers les déserts du Khorassân, ni les misères et les lenteurs d’un siège au milieu d’un pays ennemi, ni le feu, ni les assauts, ni les maladies qui les décimaient. La crainte que le représentant de la Grande-Bretagne inspirait au gouvernement persan était telle que le châh revint à Téhéran, et qu’il perdit Hérat, probablement pour toujours, plutôt que de déplaire à l’Angleterre.
Toute l’artillerie persane n’est pas organisée à l’européenne. Il y a