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dans l’armée du châh un corps d’artilleurs d’une physionomie tout orientale. Son matériel consiste en petites pièces de cuivre pouvant porter une livre et demie ou deux livres au plus de balles. Chaque pièce est portée par un chameau et adaptée à un pivot sur lequel elle tourne dans tous les sens. Avec la pièce, le chameau porte aussi la provision de projectiles et de poudre nécessaire pour une vingtaine de coups. Un canonnier s’assied sur l’animal. Quand on veut faire feu, le chameau s’accroupit; quand on veut marcher en avant ou en arrière, il transporte à grands pas dans la direction voulue son cavalier et le matériel qui lui est confié. Actuellement, ce corps d’artilleurs est bien réduit, et, à part les salves royales qu’on tire autour de la tente du châh quand il est en voyage, il n’a guère d’occasion de déployer son activité.

Le système de la conscription basée sur la chance individuelle est inconnu en Perse. Pour le recrutement, on s’en rapporte à la bonne volonté des citoyens, ou le plus souvent à l’arbitraire des begliers-beys. Quand le châh a besoin de soldats, il envoie dans les provinces de son empire des firmans portant le nombre d’hommes à fournir. Sur cent, on en prend depuis un jusqu’à six, selon les besoins du moment. Dans une même famille, il n’y a qu’un seul fils qui soit contraint de porter les armes. Le soldat persan est au service pour sa vie entière, à moins que le châh ne juge à propos de le congédier. Chaque homme doit recevoir annuellement douze tomâns, environ cent cinquante francs. De plus, il est logé et nourri en partie, c’est-à-dire que chaque corps reçoit un peu de grain. Dans les marches, les troupes, même les troupes régulières, vivent toujours aux dépens des habitans. Pour ce qui est de la paie, le roi la tire de ses coffres et la remet au premier ministre; mais la somme de douze tomâns passe en tant de mains, qu’elle n’arrive guère que réduite de moitié au pauvre serbâs (soldat). Encore la lui fait-on attendre bien long-temps. J’ai vu un régiment qui n’avait rien touché de sa solde depuis deux années. Quelquefois ces malheureux, poussés par la misère, se mutinent, demandent en armes qu’on les paie. Ils courent la chance d’obtenir par ce moyen une justice tardive et déplorable, qui se résume en un faible à-compte; mais le plus souvent on juge plus commode de licencier le régiment rebelle, qui ne demande pas mieux, et qu’on remplace par une nouvelle levée.

Si le gouvernement persan n’est pas scrupuleux observateur de ses engagemens vis-à-vis du soldat, il ne lui en impose pas moins des devoirs réglés par un code sévère. La bastonnade, la flagellation, appliquées souvent jusqu’à ce que mort s’ensuive, tels sont les châtimens les plus usités. Les récompenses consistent en décorations portant avec elles un prix intrinsèque qui leur donne une valeur vénale. Pour les hauts grades, ces décorations sont le portrait du châh sur émail