Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/730

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abordé des sujets demeurés jusque-là, du moins quant à leurs aspects extérieurs, en dehors de la chaire catholique. Au milieu de ce bon vouloir général, d’importans résultats ont été obtenus, tantôt grâce aux efforts de l’administration locale, tantôt par le concours des institutions privées ou de la population ouvrière elle-même

L’administration municipale exerce une action importante sur le mouvement intellectuel des ouvriers au moyen des écoles populaires. L’école n’a pas été sans doute dans ce temps-ci le foyer principal où les masses ont puisé le rayon qui les éclaire. L’enseignement primaire est pourtant la seule voie qui puisse les préparer à une certaine culture intellectuelle. Visiblement convaincue de cette vérité, la ville de Rouen cherche à mettre l’instruction à la portée des classes ouvrières. L’année dernière, elle a élevé de 15 à 25,000 fr. la subvention allouée aux frères des écoles chrétiennes, dont les maisons, au nombre de douze ou quatorze, comptent environ trois mille enfans, sans parler d’une classe du soir fréquentée par quatre cents adultes. Les écoles communales et semi-communales pour les garçons et pour les filles coûtent au budget municipal, en y comprenant quatre asiles dirigés par des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, une somme de 65,290 francs. Ces moyens ne répondent pourtant pas suffisamment à l’étendue des besoins. Bien qu’il soit encore nécessaire de stimuler le zèle de certains parens pour qu’ils envoient leurs enfans à l’école, le plus grand nombre regardent l’ignorance comme un douloureux héritage qu’ils ne voudraient pas leur transmettre. Malheureusement, dans une ville comme Rouen, où le domaine de l’indigence est très étendu, il ne suffirait pas d’ouvrir de nouvelles classes ou d’agrandir celles qui existent. Nous n’avons pas en France, comme en Angleterre, de ragged schools, c’est-à-dire des écoles où des enfans déguenillés reçoivent un abri pour leur misère. Chez nous, les parens n’envoient pas leurs enfans dans les classes gratuites, s’ils ne peuvent pas les vêtir. La misère, qui développe trop souvent dans les cœurs de si funestes germes, y laisse place encore à l’amour-propre. Il serait éminemment désirable que les écoles pussent distribuer au besoin quelques articles d’habillement à leurs jeunes hôtes. Le sacrifice ne serait pas très lourd, et de si graves raisons commandent d’ailleurs d’élargir l’arène ouverte à l’éducation des classes populaires, qu’il est impossible de s’arrêter à moitié route.

Dans un autre ordre d’idées, dans l’assainissement de certains quartiers populeux, percés de ruelles étroites, où l’air se renouvelle avec peine, l’édilité municipale a commencé d’heureuses améliorations. Tout résultat obtenu en ce sens par sa vigilante initiative, bien que portant plus spécialement sur la vie matérielle des ouvriers, sera peut-être un des meilleurs moyens de réagir contre certains vices de l’ordre moral. Dans un pays où les lieux publics ne sont pas recherchés par