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pour y apporter une résolution plus courageuse et plus persévérante. Sans pénétrer dans la vie privée, sans vouloir embrasser sous l’empire d’un règlement des actes qui doivent rester sous celui de la conscience individuelle, la loi ne pourrait-elle pas. en une certaine limite, prêter utilement son appui à la pensée des sociétés de tempérance? Refuser toute action pour les dettes de cabaret, frapper d’une amende le débitant qui vendrait, comme cela arrive trop souvent, des boissons enivrantes à des individus plongés déjà dans un état complet d’ivresse, ne serait-ce pas un moyen de combattre une funeste habitude et de réagir contre la cupidité qui la favorise? Il y aurait là pour les tribunaux une question de fait d’une appréciation délicate; mais tout le code pénal ne présente-t-il pas une série de questions de cette nature? Quoi qu’il en soit, l’institution nouvelle a été conçue dans la plus excellente intention, et elle est conforme à l’intérêt de l’homme isolément envisagé, comme à celui de la société en général.

Si l’autorité municipale, si des institutions v)rivées, encore trop peu nombreuses à Rouen, essaient d’aplanir au-devant des ouvriers le rude sentier dans lequel se développe leur destinée, ceux-ci ne s’abandonnent pas eux-mêmes. On peut découvrir dans les rangs de la famille ouvrière de véritables efforts pour résister aux vicissitudes qui l’assaillent, des élans, confus encore, mais très visibles, vers une constitution intérieure dont les excitations politiques dénaturent trop souvent le caractère. Le cours des choses porte les esprits de ce côté. Les sociétés d’assistance mutuelle, par exemple, pour lesquelles le sol rouennais avait long-temps paru fort ingrat, prennent en ce moment un certain essor. On s’est demandé s’il n’y avait pas là le germe d’une institution propre à diminuer la misère, à favoriser la prévoyance et à intéresser plus directement au maintien de l’ordre une partie au moins de la classe laborieuse. Quelques fonds ont été votés par le conseil-général du département pour faciliter le mouvement qui se déclarait dans l’opinion. Une circonstance prête aujourd’hui un intérêt spécial à l’étude des sociétés mutuelles de Rouen : les systèmes les plus divers s’y trouvent mis en œuvre. Tels statuts admettent la bienfaisante intervention de membres honoraires contribuant aux dépenses sans profiter des avantages de l’association; tels autres repoussent un alliage étranger et répugnent à l’idée de recevoir un don, regardé à tort selon nous comme une aumône. Le plus souvent, outre un secours temporaire, on promet une pension après un certain âge. Quelques sociétés enfin se bornent à subvenir aux besoins engendrés par les maladies.

On devine aisément les mécomptes auxquels ont dû être exposées celles de ces institutions qui, avec des règlemens établis, sans tenir compte des probabilités de durée de la vie humaine, avaient prétendu fonder des retraites. Gérées sans bruit par de simples ouvriers, avec