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Cum-sing-moun n’est pas, comme la péninsule de Macao ou l’île de Hong-kong, une possession officiellement européenne : une sorte de concession tacite l’abandonne complètement aux contrebandiers et aux barbares.

Partis de Macao sur le charmant cutter de M. Forbes, le Gipsy, nous atteignîmes en moins de deux heures la baie de Cum-sing-moun et vînmes demander l’hospitalité au receving ship du capitaine Endicott C’est à bord de ce dépôt flottant que nous pûmes comparer les diverses sortes d’opium que l’Inde expédie dans les ports de Chine. Les Chinois savent distinguer du premier coup d’œil le Malwa, le Patna, le Bénarès, et l’opium de qualité inférieure que produit la Turquie. Depuis plus d’un siècle, l’espèce de pavot d’où s’extrait cette funeste drogue est cultivée dans la province de Malwa. La compagnie des Indes, en respectant la liberté de cette culture, d’où les rajahs tributaires tirent en grande partie leurs revenus, en a frappé les produits de droits énormes. Outre la contribution territoriale, elle perçoit pour chaque caisse de Malwa contenant 63 kilogrammes d’opium un droit de 400 roupies, environ 060 francs. La récolte de 1848, évaluée à 25,000 caisses, devait donc laisser entre les mains de la compagnie un revenu de 24 millions de francs. La province, de Bahar et un des districts de la présidence du Bengale produisent les deux qualités d’opium connues sous le nom de Patna et de Bénarès. Dans ces deux provinces, le cultivateur, soumis à la surveillance la plus rigoureuse, livre aux employés de la compagnie, à un prix fixé à l’avance, l’opium qu’il a pu recueillir. La caisse de 74 kilogrammes, qui se vend communément de 1,800 à 2,000 francs à Calcutta, ne revient pas au gouvernement de l’Inde, tous frais compris, à plus de 960 fr. En 1847, l’exportation avait été de 24,990 caisses : elle fut de 22,877 en 1848, et l’on prévoyait qu’elle atteindrait en 1849 le chiffre de 36,000 caisses. Cet immense accroissement dans la production de l’opium du Bengale devait tendre à étouffer, dès son origine, la fabrication des produits indigènes, si jamais le gouvernement chinois, mieux éclairé sur ses intérêts, se montrait disposé à tolérer la culture du pavot dans les provinces du Yun-nan et du Fo-kien. Depuis 1830, l’importation de l’opium en Chine avait plus que triplé. En 1847, on évaluait à 120 millions de francs les sommes perçues pour la vente annuelle d’environ 40,000 caisses. Les bénéfices seuls de la compagnie s’élevaient à plus de 50 millions.

Chaque caisse d’opium renferme une centaine de boules de la grosseur d’un œuf d’autruche. Les fumeurs font bouillir l’opium, afin de le dégager de toutes les impuretés qui pourraient en altérer la saveur, et le recueillent à l’état liquide dans un godet de porcelaine : à leur pipe de bambou se trouve adapté un fourneau dont l’orifice n’est guère plus large que la tête d’une épingle. C’est à cet orifice qu’une aiguille