bâtimens anglais. Aussi n’était-ce point là le plan suggéré au plénipotentiaire par la presse de Hong-kong. Les journaux de la colonie, échos des opinions les plus passionnées et les plus extrêmes, ne se contentaient point de formuler des exigences inadmissibles; ils voulaient avant tout mettre à feu et à sang les quarante-deux villages qui se trouvent groupés autour de Canton. Il fallait, disaient-ils, faire justice de l’insolent mépris que ces populations turbulentes affichaient depuis deux siècles pour les barbares, inscrire dans ces mémoires rebelles le respect des traités et du droit des gens avec la pointe de la baïonnette, sceller, en un mot, par une copieuse saignée, — a copious blood letting, — la nouvelle alliance des deux peuples.
Ces sauvages déclamations ne pouvaient qu’épouvanter l’esprit modéré de sir John Davis et le ramener aux tendances naturelles de sa politique. Élevé dans les doctrines conciliantes de la compagnie des Indes, nourri de cet axiome : « Il faut que l’Angleterre vive en paix avec le Céleste Empire, » le plénipotentiaire, en tirant son épée, n’en avait point jeté le fourreau. Il avait toujours conservé le secret espoir d’une transaction qui épargnerait à son pays la nécessité de ces faciles et sanglans triomphes dont les conséquences auraient pu trahir encore une fois les prévisions des terroristes de Hong-kong. Le vice-roi, de son côté, se montrait prêt à seconder le retour de sir John Davis à des dispositions plus pacifiques. Depuis l’exécution des quatre criminels présentés aux Anglais comme les principaux coupables, onze autres Chinois avaient été arrêtés à Houang-chou-ki. Traduits devant les autorités compétentes, ces nouveaux accusés furent reconnus complices à divers degrés du meurtre des Européens assassinés le 6 décembre. L’un d’eux fut condamné à être décapité, un second à être étranglé. Une sentence de bannissement perpétuel ou temporaire fut portée contre les neuf autres. Malgré l’apparente condescendance de ces condamnations, l’équité des juges n’avait point cessé de prendre pour base le grand principe de la législation chinoise : l’exacte compensation du sang versé. Si la peine capitale n’atteignait que deux des prévenus, c’est que pour six Anglais victimes d’un guet-apens suivant sir John Davis, d’une querelle si l’on en croyait les autorités de Canton, le glaive de la loi ne pouvait frapper que six criminels. Accorder davantage, c’eût été renverser toutes les traditions du Céleste Empire. Il faut ajouter que le tribunal n’avait entendu rendre cette fois que des sentences provisoires auxquelles le wang-ming n’était point applicable, et qui ne devaient être exécutées qu’après la confirmation de ces divers arrêts par le conseil suprême siégeant à Pe-king; mais Ki-ing offrait aux Anglais un gage de sécurité plus certain et plus efficace que reflet moral qu’on pouvait se promettre de ces rigoureuses sentences. Il proposait de tenir