Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/834

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’irrésistible élan des spéculations privées, le téméraire et opiniâtre emploi de capitaux immenses enchaînèrent le gouvernement à cette entreprise et lui imposèrent l’obligation de lutter, par des travaux considérables, contre les influences délétères du climat[1]. La communauté de Hong-kong peut à bon droit être fière de son œuvre sans pousser ce légitime orgueil jusqu’à se montrer acerbe et injuste vis-à-vis des hommes investis de la difficile mission de traiter avec le gouvernement chinois. En admettant que, dans les derniers actes de son administration, sir John Davis dût encourir quelque reproche, le blâme devrait porter aussi sur la précipitation qui l’avait placé dans l’alternative d’une folie ou d’une apparente faiblesse. Comment au mois de février 1848 le plénipotentiaire eût-il pu persister dans ses exigences? Après les meurtres de Houang-chou-ki une prompte réparation avait été offerte à l’Angleterre; de nouveaux arrêts promettaient de rendre cette expiation plus complète. Était-ce aux dépens des auteurs réels de l’attentat que cette satisfaction était accordée? On pouvait conserver quelques doutes à cet égard; mais les traités qui avaient soustrait les Européens aux tribunaux du Céleste Empire et à la jurisprudence chinoise avaient établi, pour les Chinois, le droit incontesté de n’être justiciables que des tribunaux et des lois de leur pays. La recherche des coupables, l’examen de la procédure auraient donc constitué, de la part des autorités anglaises, une véritable infraction au traité de Nan-king. Il fallait accepter, pour l’identité des criminels, la garantie du vice-roi, puisqu’il était impossible de constater cette identité d’une façon plus régulière. Ce qui était profondément regrettable, c’étaient ces menaces sans effet, cette agitation sans résultat. L’Angleterre elle-même se vit forcée de ratifier d’un accord presque unanime la solution de ces difficultés, si incomplète qu’elle parût. Pour ouvrir une nouvelle campagne, il était sage d’attendre une saison plus favorable aux opérations militaires que l’époque des grandes chaleurs et de la mousson de sud-ouest. Les projets de lord Palmerston lurent donc ajournés au mois de novembre, et les événemens qui survinrent bientôt en Europe rendirent cet ajournement indéfini.

Quant aux mandarins chinois, en voyant le plénipotentiaire abandonner si brusquement ses velléités belliqueuses, ils ne firent point donneur de ce changement à sa modération. Ils se demandèrent quelles

  1. Le budget de Hong-kong avait pris dans les premières années d’assez fortes proportions; en 1845, par exemple, les recettes s’étaient élevées à 556,050 Ir., les dépenses à 1,668,150 fr. Ce budget a été successivement réduit, et la différence entre les recettes et les dépenses n’est plus aujourd’hui que de 387,500 fr. Les travaux publics figurent dans le total des budgets de Hong-kong, de 1845 à 1850, pour une somme de 2 millions 59,525 francs.