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le dernier des Pelham, le duc de Newcastle, vieilli dans le pouvoir, encore considérable par le rang, par l’expérience, par l’intrigue, mais chaque jour moins influent et plus décrié. Tandis que lord Bute faisait la force réelle et secrète du cabinet, le duc de Bedford lui apportait l’appui de son nom et de sa clientelle. Fox en était l’orateur.

Nous avons vu que cette administration était impopulaire. Son crime était la retraite de Pitt. La paix qu’elle avait signée fut donc d’abord impopulaire comme elle, et le duc de Newcastle, sentant un peu tard l’inconvénient d’abandonner la politique énergiquement nationale à laquelle il s’était long-temps associé, saisit l’occasion de se retirer. Lord Bute devint premier ministre. Le sceau du favoritisme fut ainsi publiquement imprimé sur le front du cabinet. C’était comme un encouragement donné à toutes ces ambitions secondaires qui n’arrivent que par la complaisance et ne briguent que la faveur. Les places et les pensions, les abus de toutes sortes, devinrent les moyens principaux, uniques de gouvernement. Ce fut par excellence un ministère de corruption. Il n’y eut plus alors que deux partis : la cour et le pays.

Après onze mois du rôle de premier ministre, lord Bute, qui n’était rien moins qu’un ambitieux, donna sa démission (avril 1763). Aucune nécessité apparente ne l’y forçait. La position du ministère dans les chambres était faible, mais tenable. Les motifs de cette brusque retraite sont encore discutés entre les historiens. Le cabinet perdit en même temps M. Fox, qui fut élevé à la pairie sous le nom de lord Holland, et lord Bute, en s’éloignant, désigna pour succéder tout ensemble à Fox et à lui-même George Grenville, qui fut premier lord de la trésorerie et chancelier de l’échiquier. Comme Walpole et Pelham, il réunit ces deux titres, rarement séparés, quand un membre des communes est le chef du cabinet. Le duc de Bedford ne fut que président du conseil, et il eut le gouvernement de la chambre haute. La capacité de Grenville n’était pas inférieure au poste qu’il occupait, et le plaçait sans contestation à la tête de ses collègues. En le choisissant, d’ailleurs, le roi comptait sur la docilité d’un homme isolé, séparé de sa famille, sans parti, sans amis, et qui lui devait tout. Il se trouva que Grenville, d’un caractère indépendant, décidé, cassant, négligea le roi, le contraria, l’humilia surtout, s’en fit un mortel ennemi, tandis qu’on le représentait comme l’instrument de la cour et le prête-nom du favori. En même temps, il coalisa contre lui de nombreuses inimitiés au sein de la chambre, qu’il entraîna cependant à sa suite dans une faute grave et célèbre. La guerre avait épuisé les finances. Grenville, homme d’affaires consommé et résolu, mais qui se préoccupait plus des besoins du trésor que de la disposition des esprits, voyant l’Angleterre plier sous le poids des impôts, tandis que ses colonies n’en supportaient aucune partie, imagina de taxer certaines denrées