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résistance à la fois irritans et imprévus pour l’orgueil de la mère-patrie. Le ministère Rockingham, qui était un ministère de concession, avait bien rapporté l’acte du timbre, mais par un acte déclaratif, declaratory act, où le parlement affirmait son droit de taxer les colonies américaines. Il y avait donc transaction sur le fait et maintien du droit. Le grief constitutionnel existait, quoique le pouvoir eût cédé. De graves événemens avaient éclaté à New-York, à Boston ; la force militaire, en lutte avec la population, s’était trouvée parfois impuissante à la contenir. L’Angleterre, étonnée et indignée, ne pouvait ni pardonner ni comprendre cette résistance qu’elle imputait à une turbulence gratuite. Elle répondait à la fois par la menace et par le dédain, et restait dans ses moyens de répression fort au-dessous de la gravité d’un mal qui l’offensait sans l’alarmer. Le ministère du duc de Grafton partageait l’erreur générale. Lord Chatham, qui avait en principe beaucoup accordé aux Américains, trouvait désormais leurs plaintes aussi insensées que leur résistance, et conseillait d’opposer la fermeté à la mutinerie, sans cependant proportionner l’énergie des mesures à la difficulté de l’entreprise. On rejetait bien tout le mal sur George Grenville, auteur du bill du timbre ; mais, après l’avoir abrogé, on ne croyait, pas plus que le ministère précédent, qu’il y eût sagesse ou dignité à renoncer à la prérogative du parlement britannique, et l’état des finances exigeant la création de ressources nouvelles, le chancelier de l’échiquier, Charles Townshend, avait soumis à l’importation dans les colonies certains articles, tels que le verre, le papier, le thé, et proposé d’autres bills qui restreignaient les pouvoirs législatifs de l’état de New-York. Le parlement adopta ces propositions sans hésitation, sans difficulté, sans se douter le moins du monde des conséquences possibles de ces coups d’autorité. Personne en Angleterre, hormis peut-être lord Shelburne, ne paraissait apercevoir encore la gravité de la querelle et ne montrait un juste pressentiment de l’avenir. On regardait les actes de résistance des Américains comme les violences d’un homme ivre ; c’était la comparaison usitée, et elle indique assez que le gouvernement anglais entretenait toutes les illusions habituelles aux gouvernemens à la veille des révolutions.

Tel était, à cet égard, le préjugé national, que l’opposition, bien loin de s’y soustraire au moins par esprit de contradiction, le soutenait au contraire et le tournait contre le pouvoir, qu’elle accusait de mollesse et d’inconséquence. Grenville tonnait dans le parlement contre la pusillanimité du cabinet. Le correspondant du Public Advertiser répétait le même reproche, que ne justifiaient que trop les hésitations d’un ministère divisé. Dans plusieurs lettres plus réfléchies et plus mesurées que les précédentes, il fait remonter le blâme jusqu’à l’abandon de l’acte du timbre ; il défend avec force la politique et le