Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/963

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aucune des tribus ne refusera d’envoyer son contingent, proportionné à son importance.

Cependant les alliés sont loin, ils ne pourront arriver avant huit ou dix jours; en attendant, les conseils se renouvellent, et les chefs excitent les esprits par leurs proclamations : « Vous êtes prévenus, ô esclaves de Dieu, que nous avons à tirer vengeance d’une tribu qui nous a fait insulte. Ferrez vos chevaux, faites des provisions pour quinze jours, n’oubliez pas le blé, l’orge, la viande sèche (khreléa) et le beurre; vous devez non-seulement suffire à vos besoins, mais encore pouvoir donner généreusement l’hospitalité aux cavaliers qui viennent nous soutenir. Commandez à vos plus jolies femmes de se tenir prêtes à marcher avec nous, qu’elles s’ornent de leurs plus belles parures, qu’elles parent de leur mieux leurs chameaux et leurs atatiche (palanquins de parade); portez vous-mêmes vos plus riches vêtemens, car c’est pour nous une affaire de nif (amour-propre). Tenez vos armes en bon état et munissez-vous de poudre. Le cavalier qui a une jument et qui ne viendra pas, le fantassin qui possède un fusil et qui restera, seront frappés, le premier d’une amende de vingt brebis, et le second d’une amende de dix brebis. »

Tout homme valide, même à pied, doit faire partie de l’expédition.

Avant de partir, les chefs confient les troupeaux, les tentes et les bagages de la tribu à la garde de vieillards expérimentés chargés également de pourvoir à la police et à la surveillance de cette réunion de femmes, d’enfans, de malades et de bergers.

Les ennemis aussi se sont préparés; instruits par des voyageurs, des amis, des parens même qu’ils ont dans le parti opposé, ils se hâtent d’écrire de tous les côtés pour réunir leurs alliés (sof); ils placent les troupeaux, les tentes, les bagages dans un endroit qu’ils croient sûr, puis un rendez-vous est assigné aux cavaliers dans le plus bref délai; dans la crainte d’une surprise, on choisit un terrain convenable pour la défensive, et l’on attend les événemens.

Les événemens sont proches, et la tribu qui a pris les armes pour se venger va bientôt se mettre en marche, elle n’a pas perdu un seul instant. La veille du départ, tous les chefs auxiliaires se réunissent à ceux qui les ont mandés, et en présence des marabouts prêtent sur le livre saint de Sidi-Abd-Allah le serment suivant : « O nos amis, jurons par la vérité du livre saint de Sidi-Abd-Allah que nous sommes frères, que nous ne ferons qu’un seul et même fusil, et que, si nous mourons, nous mourrons tous du même sabre; si vous nous demandez le jour, nous viendrons le jour, et si vous nous appelez la nuit, nous accourrons pendant la nuit. » Les assistans, après avoir juré, conviennent de partir le lendemain matin.