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ne pouvait seconder ni les charges impétueuses, ni les marches incessantes. Il a été remplacé par le cheval du pays. Qu’un officier arrive du continent en Algérie pour prendre part à quelque expédition, et son premier soin sera de se procurer des chevaux indigènes. Il se gardera bien de s’aventurer dans le désert et encore moins dans la montagne avec les chevaux qui seraient le plus applaudis sur les turfs de Chantilly, du Champ-de-Mars et de Satory.

Il ne s’agit donc plus à présent de discuter, mais de régler et de développer l’emploi du cheval de nos possessions africaines. Il y a une vérité qui malheureusement n’est pas reconnue encore, et dont la démonstration est bien évidente cependant : c’est qu’aucun établissement situé en France ne peut réunir les conditions de croisement, de production et d’élevage que présenteraient des établissemens algériens. L’administration des haras va chercher à grands frais jusqu’au fond de la Syrie des étalons dont un acquéreur intelligent trouverait souvent le modèle parmi les types si variés de l’Algérie[1]. Puis ce n’est pas le plus grand inconvénient qu’elle ait à subir. Le ciel de Pompadour et du Limousin n’est pas Certainement celui que réclament, aux années délicates de leur croissance, les produits d’une brûlante contrée. Enfin le croisement rencontre en France d’innombrables difficultés, parce que l’élevage chez nous est rare, hésitant, considéré par les uns comme une spéculation hasardeuse, et par les autres comme un jeu ruineux. En Afrique, au contraire, l’industrie chevaline est facile, car tout Arabe est éleveur; le penchant naturel, la foi religieuse, la tradition nationale, l’intérêt privé, poussent les maîtres de grandes et de petites tentes à la production comme à l’élevage.

C’est donc en Afrique qu’il faudrait créer les établissemens destinés à améliorer notre race chevaline. Pour cela, la direction des haras et dépôts d’étalons, comme celle des remontes, doivent rester placées sous une même administration, celle du ministère de la guerre. Quand par la nécessité de notre conquête l’armée possède déjà dans notre colonie tant et de si vastes attributions, tout ce qui regarde le cheval doit être à plus forte raison de son ressort. Il ne faut pas oublier cet axiome, que celui qui récolte est intéressé à bien semer. Cherchons à

  1. Cette assertion soulèvera bien des contradictions, elle choque les idées reçues; mais c’est par des faits seulement que je répondrai. Ainsi, au haras-dépôt d’étalons de Mostaganem, M. de Nabat, ancien directeur des haras, a trouvé un cheval qu’il qualifie ainsi : « d’une très grande beauté, irréprochable, » et qu’il estime valoir 40,000 fr. Cet étalon, nommé El Azedji, vient des Azedji, fraction de la grande tribu des Beni-Amer, province d’Oran. Dans ce même dépôt est le Pacha; ses notes sont celles-ci : « cheval d’une force et d’une taille énormes, vraie monture des anciens chevaliers, bon production, race à trouver dans le pays. » Il est né dans la riche plaine de la Mina.