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tique. On sait l’histoire des sept professeurs de Goettingue qui protestèrent en pure perte contre la violation du pacte dont le Hanovre jouissait depuis quatre ans. On se rappelle peut-être l’impression que produisit alors dans toute l’Allemagne la brutalité avec laquelle ils furent expulsés de leurs chaires et presque de leurs logis. En Hanovre même, ils ne furent point autrement soutenus. C’est un pays essentiellement agricole, une population de paysans et de seigneurs, grands et petits, où les classes industrielles et commerçantes ne sont qu’une minorité dépourvue d’influence. L’armée, recrutée dans les campagnes, commandée par la jeune noblesse, est entièrement dévouée à la personne du prince. Le coup d’état de 1837 ne rencontra donc pas de résistance, et d’ailleurs le roi Ernest, revenu à la charte de 119 qui lui donnait plus de satisfaction, s’appliqua scrupuleusement à l’observer, et, si peu libérale que fût cette constitution, il se montra, dans les termes qu’elle admettait, un roi très constitutionnel. D’autre part, ne cherchant point à faire quand même d’un pays agricole un pays de manufactures, il épargnait à ses sujets le poids onéreux du régime de protection. L’union douanière dont le Hanovre était le centre, le Steuerverein, maintenait le principe de la liberté commerciale contre les protectionnistes du Zollverein prussien, et les empêchait de céder autant qu’ils eussent fait sans ce voisinage aux exigences tout-à-fait prohibitives de l’Allemagne du midi. Le traité conclu le 7 septembre dernier entre le Zollverein et le Hanovre n’a dissous le Steuerverein qu’au prix d’un notable abaissement dans les tarifs de l’union prussienne, et la politique douanière du Hanovre n’y a rien perdu. On peut dire sans doute que c’était une politique anglaise, et les patriotes protectionnistes de la grande patrie allemande ont cent fois anathématisé les séparatistes du nord. Le Hanovre en particulier ne se plaignait point. Aussi, lorsque vinrent les révolutions de 1848 et 1849, plus heureux que ses voisins de Berlin et de Cassel, le roi Ernest-Auguste resta paisible sur son trône. Il accepta un ministère plus en rapport avec les circonstances nouvelles, et, assisté de simples bourgeois, M. Detmold, qui fut chargé d’importantes missions au dehors, M. Stuve, qui dirigea surtout l’intérieur, il prit pour tâche de se maintenir dans un sage équilibre entre tous les courans contraires, entre les exigences extrêmes et changeantes des cabinets et des opinions, ne uivant jamais jusqu’au bout ni les unes ni les autres, et leur résistant plutôt que de se laisser emporter. Au dedans, il ne céda que ce qu’il était impossible de ne pas céder, et, les concessions accordées, il ne les reprit pas. Même après la retraite de M. Stuve, il continua les travaux d’organisation administrative commencés par le ministre dont il se séparait pour battre en brèche la prérogative féodale dans ses derniers retranchemens. Les chevaliers hanovriens réclamèrent, comme on sait, dans ces derniers temps, auprès de la diète, en faveur de leurs privilèges abolis ou menacés, et leur cause, toujours pendante, a sans doute aujourd’hui des chances meilleures. Le vieux roi ne s’était pas du tout ému de leurs instances, et, comme il n’avait point parlé le langage de la révolution durant la fièvre révolutionnaire, il ne voulut pas non plus parler celui de la réaction insensée qui risque de prévaloir en Allemagne. Tous les princes allemands n’en pourraient autant dire. De même, dans ses relations avec les deux cours de Vienne et de Berlin, le roi Ernest-Auguste ne s’est jamais donné au point de ne pouvoir plus se reprendre, et, au milieu des com-