Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/987

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plications de ces dernières années, il a voulu par-dessus tout réserver à son royaume une assiette indépendante. Il avait commencé par suivre l’impulsion prussienne, par accéder, sous la haute main de la Prusse, au projet de cette unité allemande qui n’allait à rien moins qu’à exclure l’Autriche de l’Allemagne ; mais, lorsque l’Autriche reprit le dessus et balança la fortune de la Prusse, bientôt tout-à-fait compromise par les incertitudes et les équivoques du cabinet de Berlin, le roi de Hanovre entra dans l’union des quatre rois, formée, si l’on s’en souvient, contre l’union prussienne. Ce fut ce rapprochement du Hanovre et de l’Autriche qui fraya les voies à la prépondérance autrichienne dans les affaires du Holstein et de Cassel. M. Stuve, qui ne s’était point assez prêté à ce changement de front, fut remplacé par M. de Munchhausen, sans que cette phase nouvelle de la politique extérieure modifiât ou suspendît l’œuvre de réformation entreprise au dedans. Puis, tout récemment encore, le roi Ernest avait semblé derechef incliner vers la Prusse par ce traité du 7 septembre qui rattachait au Zollverein l’union douanière hanovrienne. L’ascendant de l’Autriche à la cour de Hanovre ne peut plus maintenant que gagner toujours, et c’est à l’influence très directe de la cour de Vienne qu’il faut attribuer l’avènemnt du nouveau ministère que le fils du roi Ernest, le roi George V, a, dès les premiers jours de son règne, appelé près de lui. Ce prince, affligé d’une entière cécité, est réduit à gouverner dans des conditions tout-à-fait exceptionnelles, entouré d’un conseil dont le secrétaire a mission de contresigner, sous sa responsabilité, la signature du souverain aveugle. C’était même la difficulté de ces arrangemens à la fois domestiques et politiques qui avait un instant suggéré aux princes de la maison de Cambridge quelque espoir d’arriver au trône de Hanovre, et la charte de 1833 paraissait donner raison à ces calculs par une clause spéciale ; ce fut encore un motif de plus qui poussa le roi Ernest à l’abroger si vite, et depuis lors il s’était constamment, minutieusement occupé du soin d’assurer la couronne dans sa dynastie, malgré l’infirmité du prince héréditaire. Le roi George a été de bonne heure exercé, avec l’habileté la plus ingénieuse, à dissimuler autant que possible, aux autres et presque à lui-même, la perte du sens dont il est privé. Il a épousé une princesse de Saxe-Altenbourg dont il a un fils, âgé de six ans. La reine passe pour une personne très active, en même temps qu’elle est très dévouée à la cour de Vienne. On conçoit l’autorité qu’elle ne peut manquer de prendre et le sens dans lequel elle en usera. Ainsi M. de Munchhausen a cédé la place à M. de Schele, le fils de celui qui, en 1837, aida le roi Ernest à détruire la constitution de 1833. Ce nom seul est assez significatif, et les réformes intérieures, les organisations, comme on les appelle en Hanovre, risquent fort de disparaître dans ce revirement. Nous ne voulons pas croire cependant encore que le nouveau cabinet aille jusqu’à choisir pour maxime de conduite l’arrogante devise des hobereaux hanovriens : « tout par et pour la noblesse. » Il n’en est pas moins vrai que le roi vient d’annoncer qu’il prenait lui-même le commandement de l’armée, ce qui signifie simplement qu’il l’ôte des mains du ministre responsable, pour en disposer selon sa seule volonté, il n’y a là rien de moins qu’une de ces grandes réserves monarchiques que les princes allemands se ménagent contre le principe des constitutions parlementaires.