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par la méditation et par l’expérience, il reconnaissait que la ligue avait raison ; qu’à partir de ce jour il serait l’antagoniste de la protection comme d’un système contraire à la liberté et à la justice ; inconciliable avec l’intérêt du grand nombre ; et immédiatement, dans le même discours, il proposa l’abolition des droits sur les céréales. On sait le reste. Malgré le dépit et la rancune de la plupart des anciens alliés politiques de sir Robert Peel, malgré le mauvais vouloir des classes les plus influentes, les lois qui gênaient la libre importation des céréales furent abrogées. Les successeurs de sir Robert Peel ont continué son œuvre. Le système protecteur a été abandonné successivement sur tous les points par le gouvernement anglais et par le parlement. L’acte même de navigation de Cromwell, que soutenaient les préjugés les plus enracinés, devant lequel Adam Smith lui-même s’était incliné, a été entraîné dans la chute générale du système protecteur. Aujourd’hui les navires étrangers participent, aux mêmes conditions que le pavillon anglais ; au commerce de l’Angleterre avec le monde, à celui des colonies britanniques elles- mêmes. Le protectionisme est mort en Angleterre. La liberté du commerce y est devenue un axiome à son tour. L’Angleterre a encore des droits de douanes, elle en tire : même un revenu de plus de 500 millions ; mais dès à présent, a peu d’exceptions près, ce ne sont plus des droits protecteurs, ce sont des droits fiscaux car les objets qu’ils frappent en général, tels que les boissons et les denrées coloniales, n’ont pas de similaires au dedans. L’ame de sir Robert dans la retraite où Dieu l’a accueillie, a lieu de se réjouir des témoignages de reconnaissance respectueuse dont son nom est entouré, chaque jour parmi ses compatriotes. Le mois passé, les hommes qui s’étaient faits contre sir Robert Peel les champions de la protection ont pu ressaisir le pouvoir ; ils ont été mis en demeure de devenir ministres. Ils ne l’ont pas osé : ils ont senti que la tentative de restaurer la protection serait un acte de démence. Qu’en pensent les prétendus hommes pratiques qui soutenaient que l’Angleterre, tout en critiquant le régime protecteur chez les autres, n’y renoncerait jamais chez elle, et qui, la veille de la révolution de février, faisaient violence au gouvernement pour l’empêcher d’entrer, même timidement, dans les voies de la liberté commerciale ? Cette colossale expérience de l’Angleterre, est-elle une hallucination de théoriciens ? Les avantages que la liberté du commerce a procurés à la nation anglaise sont-ils des chimères ?

Vraisemblablement, par un ensemble de réformes conçues dans cet esprit, qui eussent de même hautement favorisé le développement du travail et la vie à bon marché, on eût empêché notre révolution de février. En Angleterre, c’est une opinion généralement admise que, sans les réformes de sir Robert Peel, cette révolution aurait eu pour contre-coup le bouleversement de la société anglaise.