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n’est pourtant point facile à gouverner ; de tout temps, il a été le théâtre de grandes luttes, et voilà bien des siècles que Si-Mohamed-el-Medjeboud (bouche d’or) a dit : « Tlemcen est l’aire raboteuse dans laquelle se brise la fourche du moissonneur. Combien de fois les femmes, les enfans et les vieillards n’ont-ils pas été abandonnés dans ses murs ! » - L’histoire de cette ville n’est en effet qu’un long récit de guerre, depuis ce fameux siège de -Tlemcen en 1286 par Abi-Saïd, frère d’Abou-Yacoub, le sultan de Fez, qui, pendant sept ans, tint les Ben-Zian assiégés et fit construire dans son camp une ville dont les ruines existent encore, jusqu’au blocus que le commandant Cavaignac soutint derrière ses murailles en 1837, avec le bataillon franc.

Singulière destinée que celle de cette province d’Oran, champ-clos où les races chrétiennes et musulmanes semblaient s’être donné rendez-vous pour livrer leurs derniers combats ! — En l’année 1509, le cardinal Ximenès parcourait, la croix à la main les lignes des troupes espagnoles rangées en bataille sur les rivages de la baie des Andalouses, et les exhortait à se livrer tout entières au danger pour combattre l’infidèle. En l’année 1516, deux pirates, appelés par le chef de la ville d’Alger, fondaient sur la terre d’Afrique cette puissance turque qui ne devait plus reculer que devant le drapeau de la France ; mais ce ne fut pas sans des luttes opiniâtres contre les armes espagnoles ; car Oran était un poste d’avant-garde, et, dans son occupation d’Afrique, L’Espagne cherchait surtout la sécurité pour ses côtes. Chrétiens et musulmans se rencontrèrent plus d’une fois devant les murailles de Tlemcen. Enfin les rois de Tlemcen, dont l’autorité s’étendait des rives de la Moulouia aux montagnes de Bougie, et qui recevaient le tribut des galéasses de Venise venant chercher dans le port d’Oran les cires, les huiles et les laines, furent obligés de reconnaître la suzeraineté des rois d’Espagne, et même d’implorer leur protection. Barberousse, le fameux pirate, les avait attaqués au siège même de leur puissance : les Espagnols vinrent au secours de leurs vassaux ; Barberousse trouva la mort dans cette aventure, et sa veste, transformée en chape d’église alla orner, comme trophée de victoire, la sacristie de la cathédrale de Cordoue. On le voit, quelle que soit l’époque à laquelle on prend l’histoire de Tlemcen, les paroles de Mohamed Bouche-d’Or sont une vérité ; mais il faut connaître l’histoire pour y ajouter foi, car le voyageur qui n’aurait jamais entendu parler de Tlemcen, s’il avait fait route avec nous, se serait plu dans tous ses récits à peindre cette ville comme l’asile du repos et de la vie facile.

Nous arrivions au pont jeté par les Turcs sur la Safsaf, et devant nous s’étendaient les grands oliviers, qui ombragent la campagne entière et se déroulent comme une nappe de verdure au pied de la ville. Rien de plus coquet, de plus gracieux, de plus charmant que cette