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que je viens d’envoyer au général Rayon va l’instruire de notre victoire ; son armée ne passera pas à l’ennemi, et la guerre continuera sous ses ordres. Quant à moi, continua-t-il, je ne servirai plus à grand’chose, car j’ai les reins à moitié brisés.

L’Hercule avait deux fois soutenu sans broncher le recul du canon ; le troisième coup lui avait été fatal. Cependant l’incalculable puissance de la poudre n’avait réussi qu’à fausser ses vertèbres de fer sans avoir pu les briser, et voilà pourquoi Valdivia n’était pas mort.

Grace à l’héroïque dévouement de l’homme surnommé depuis Cureño (affût), le général Rayon put continuer sa marche vers Zacatécas. Il n’en avait pas fini cependant avec les obstacles que de sourdes menées multipliaient sur ses pas. Le général Ponce, l’instigateur de la révolte, se rappelait que la veille Rayon avait eu la faiblesse de composer avec les séditieux. Rayon en effet, pour se débarrasser des mutins, leur avait fait espérer que le lendemain il accéderait à leurs désirs, en leur permettant de déposer les armes pour profiter de l’indulto du vice-roi. Ponce réclama l’accomplissement de la parole donnée. Bien que cette réclamation soulevât une indignation presque générale, Ponce parvint cependant à débaucher deux cents hommes environ, avec lesquels il passa à l’ennemi quelques jours après. Cette désertion, suivie de beaucoup d’autres, réduisit à une poignée de soldats la petite armée de Rayon. Avec cette bande, le général n’en réussit pas moins à gagner les environs de Zacatécas. Un guerrillero dont le nom a été conservé par l’histoire, Sotomayor, détaché par le général en chef vers les mines du Fresnillo, parvint, après des efforts inouis, à s’approcher de cette position, dont il s’empara. Fresnillo touche Zacatécas. Le général Torres de son côté était arrivé devant le camp du Grillo, ainsi nommé de la montagne qui s’élève en vue de Zacatécas. Ce camp renfermait le gros de la force espagnole qui défendait la ville ; mais pour l’attaquer Torres manquait de tout, de vivres comme d’artillerie : il résolut de prendre chez l’ennemi tout ce qui lui faisait défaut, et, par un de ces coups d’audace que le succès peut seul consacrer, il réussit à s’emparer du camp, où étaient entassées des munitions de toute espèce, six cents fusils et cinq cents barres d’argent. Zacatécas ne pouvait plus résister : seize cents hommes évacuèrent la ville, et le 15 août 1811, c’est-à-dire vingt jours après son départ du Saltillo, Rayon se trouvait maître de l’une des places les plus importantes du Mexique.

La prise du camp du Grillo, celle de Zacatécas, frappèrent de stupeur le gouvernement espagnol, et les noms de Rayon et de Torres, jusqu’alors inconnus, devinrent tout à coup des noms glorieux. Les chefs ennemis commencèrent dès ce moment à compter avec les deux généraux insurgés. Malheureusement la retraite du Saltillo à Zacatécas, la prise