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consacrés par elle, d’aucun des intérêts qu’elle avait créés. Ce mouvement ne tendait qu’à faire rentrer la révolution dans les voies constitutionnelles, dont l’avaient arrachée les rancunes et les vanités girondines. Rendre force et vigueur aux idées de 91, remettre le sort de la France aux mains des classes moyennes, en écartant avec un soin jaloux, et les anciennes classes privilégiées contre lesquelles la révolution s’était faite, et les masses qui s’en étaient emparées, telle fut la pensée dominante des députés et des journalistes proscrits au 18 fructidor par un pouvoir qui semblait lui-même à la veille d’être emporté par le flot de l’opinion ; mais la pensée des clichiens, quoiqu’elle fût réellement celle du pays, était d’une réalisation visiblement impossible à cette époque, et ne pouvait conduire qu’à de réciproques déceptions. Quel moyen, en effet, d’associer à un système politique dont la monarchie consentie formait la base une royauté qui prétendait exister par elle-même, en vertu d’un titre inamissible, et qui répudiait du fond de l’exil la doctrine fondamentale de 91, le droit de la nation à constituer son propre gouvernement ? À cette époque, il n’existait de branche cadette ni dans les souvenirs ni dans les espérances de personne, et le nom d’Orléans suscitait des répugnances presque aussi vives dans les rangs de la bourgeoisie que dans ceux de l’émigration. Il n’y avait donc alors qu’un seul représentant possible de la royauté ; mais comment proposer à cette royauté, si cruellement abandonnée par les classes moyennes aux insultes et aux coups de leurs communs ennemis, et qui n’avait rencontré de dévouement que dans les nobles compagnons de son exil, de sanctionner la spoliation toute récente des seuls serviteurs qui lui fussent restés fidèles ? comment lui demander d’accueillir des conditions qui entraînaient la condamnation implicite de la cause pour laquelle ils avaient tant souffert et si long-temps combattu ? Si Louis XVI aux Tuileries n’était point parvenu à conjurer la méfiance du parti constitutionnel, qu’aurait pu faire Louis XVIII à Blankenbourg, entouré de l’armée autrichienne et des soldats de Condé ?

Contre les invincibles obstacles élevés par la force des choses verraient chaque jour se briser des tentatives qui se succédaient néanmoins avec une inépuisable fécondité. Jamais les solutions ne sont poursuivies avec plus d’ardeur qu’aux jours où elles sont impossibles. Les situations insolubles ont été dans tous les temps le domaine des intrigans et des brouillons, qui possèdent de merveilleuses recettes ; pour faire accoucher la société avant terme. Les brouillons d’alors disposaient à leur gré des armées, des deux conseils, du directoire ; ils s’abouchaient avec quelques généraux qui leur vendaient cher un crédit souvent imaginaire, et dont on exploitait sans résultat sérieux les rancunes ou les vanités. Le seul effet de ces intrigues multipliées avait