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lesquels ont passé les fantaisies orientales, et qui peu à peu perdent de vue les convenances de l’Europe. Le discours qu’il a prononcé au banquet qu’on lui donnait à Bombay vaut au moins l’ordre du jour qu’il signifiait à son armée. Il a dressé là le compte des gens qu’il aimait et de ceux qu’il n’aimait pas avec une admirable et pittoresque sincérité, s’exprimant, disait-il comme un pauvre soldat qui n’a point préparé ses mots et ne les cherche pas, Sir Charles aime donc les civiliens de Bombay et tous les civiliens en général, quoiqu’on l’accuse de n’aimer que les uniformes. IL aime l’armée de Bombay où il a commencé à servir dans l’Inde, l’armée de, Bengale qu’il a commandée deux ans ; il aime les trois armées indiennes et tout ce qu’il y a sous leurs drapeaux de braves soldats ; — mais il en veut au gouvernement pour avoir mis en disgrace un homme qui avait toujours été à ses côtés dans la campagne du Scinde, qui était sa langue, son bras, son autre lui même, le vaillant Ali-Akbar ; — mais il n’a qu’une très médiocre estime pour les ministres qui ont refusé leur appui à un Arménien de sa connaissance, un ancien fournisseur des troupes de l’Afghanistan ; lorsque celui-ci leur, demandait les moyens de transporter à Bombay les bois du Punjaub ; — mais enfin il souhaiterait bien quelquefois d’avoir une cravache à la main, et sous sa main ainsi garnie l’éditeur du Bombay Times. Nous n’avons pu nous défendre de risquer encore ici ce dernier chapitre des confessions militaires du vieux capitaine, qui célébrait de la sorte le cinquante-septième anniversaire de son entrée dans les rangs. Au milieu des figures effacées qui nous entourent, on n’est pas fâché de rencontrer ces originales et vivantes figures d’un autre monde.

Arrivons à des histoires d’une civilisation plus avancée. On assure que la commission parlementaire nommée par M. Bravo Murillo pour aviser au règlement de la dette espagnole ne veut pas se laisser convaincre que les finances de l’état lui permettent encore de donner à ses créanciers le peu de satisfaction qu’ils avaient pourtant droit d’attendre des promesses du premier conseiller de la reine. Les ministres d’Angleterre et de Hollande soutiennent énergiquement auprès du cabinet de Madrid la cause de leurs nationaux compromis dans les fonds espagnols : nous espérons que le nouvel envoyé français n’oubliera pas non plus que cette affaire-là doit être pour quelque chose dans les siennes. Il serait bien temps que les créanciers de la dette d’Espagne sortissent enfin des rudes épreuves où leurs titres diminuent à vue d’œil, comme s’ils passaient au laminoir. Qu’on se représente seulement qu’en 1834 ils ont abandonné 33 et demi, pour 100 de leur capital ; que, depuis 1840, ils n’ont pas touché un sou d’intérêt sur les deux tiers restant ! Ils offraient aujourd’hui de joindre la somme de ces intérêts arriérés au capital qu’on leur reconnaît encore, et de recommencer ainsi sur nouveaux frais, à partir du 1er juillet prochain, un autre engagement. La base de cet engagement était que, dans les dix-sept années qui devaient suivre, l’intérêt de la dette comprenant désormais les anciens arrérages capitalisés serait graduellement élevé de 1 à 3 pour 100 et régulièrement payé tous les six mois à Londres. Il paraîtrait que le gouvernement espagnol chicane maintenant sur le montant des arrérages, et prétend par surcroît ne plus payer dorénavant à Londres, mais à Madrid. S’il en était ainsi, si les créanciers étrangers étaient obligés de toucher leur argent en Espagne, il y aurait fort à craindre qu’ils en emportassent, encore moins. Il suffirait,