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pour vider tout-à-fait leurs poches et frustrer leurs plus légitimes prétentions, de quelqu’une de ces mesures fiscales qui sont trop familières aux pays dans l’embarras.

Ce n’est plus d’ailleurs avec M. de Sotomayor que l’on aura maintenant à traiter ici des affaires d’Espagne. Le nouveau cabinet espagnol a remplacé les ambassadeurs qu’il avait à Paris, à Rome et à Naples par de simples ministres plénipotentiaires. On ne sait pas très clairement si M. de Sotomayor quitte son poste parce que son gouvernement a voulu faire des économies, ou si les économies n’ont été faites que pour ôter le poste de M. de Sotomayor. M Bravo Murillo aurait, dit on, été blessé des justes égards que le représentant officiel de l’Espagne en France a crû devoir témoigner au général Narvaez. Ce serait la continuation par trop systématique de ces défiances que nous signalions il y a quinze jours, et qui font si malheureusement d’un ministère conservateur l’antagoniste sourd et persévérant, non pas, nous le voulons penser, de la politique de conservation, mais toujours, du moins, des plus éminentes personnes à qui l’honneur en revienne Portez ces pauvres ombrages de Madrid jusqu’au-delà des Pyrénées, ce n’est pas pour prouver qu’on soit bien assuré de son pouvoir en deçà. Le successeur de M. de Sotomayor est le marquis de Valdegamas, plus connu sous le nom de M. Donoso Cortès Il a naguère beaucoup pratiqué la France, et surtout Paris ; c’est un ancien publiciste de l’école libérale et constitutionnelle, mais un publicite repentant qui a expiée ses vieux péchés en passant comme tant d’autres aux extrémités des doctrines absolutistes et théocratiques. Cette expiation n’a pas été du reste sans rapporter des fruits de toute sorte, et notamment dans un certain monde on a fabriqué pour M. Donoso Cortès une généalogie morale en vertu de laquelle il descendrait tout droit de M de Maistre Il y a comme cela beaucoup de gens qui se réclament aujourd’hui de ce grand comte de Maistre ; c’est un parrainage à la mode. Si nous tenions à donner une idée plus exacte de l’esprit du marquis de Valdegamas, dont nous avons entendu faire un bruit peut être bien affecté, nous serions assez tentés de le comparer plutôt, et non pas encore de si près, à M. Disraeli. Cet esprit à mine profonde n’est, au bout du compte, qu’un bel esprit du genre faux. La subtilité ingénieuse et pénétrante, le fond très britannique que possède malgré tout l’auteur de Coninsgsby et de Sybil lui ont servi cependant fort à propos à prendre pied dans la politique véritable, dans le champ solide des réalité. Nous doutons qu’il y ait jamais les mêmes ressources sous le pur éclat littéraire des harangues toujours préméditées de M. Donoso Cortès. Ce n’est qu’un perpétuel gongorisme, dont l’emphase exclut évidemment le sens du vrai. Le nouvel envoyé de l’Espagne a bien entendu, pour la France cette aversion exagérée que proclament comme un mot d’ordre et de ralliement tous les mystiques européens. « La France, s’écriait-il à la tribune, était naguère une grande nation ; aujourd’hui elle n’est plus même une nation, elle est le club central de l’Europe. » Nous avons certes mérité ces injures ; il nous plairait assez néanmoins qu’on nous laissât le soin de nous les dire.

Les conférences de Dresde vont sans doute reprendre leurs séances, qui avaient été suspendues pendant quinze jours. La Prusse a profité de ce délai pour encourager encore plus ou moins directement les résistances que les petits états opposent avec une énergie désespérée aux plans de concentration