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la nation, les trois consuls tenaient le même langage, et prêtaient serment de travailler « à l’établissement d’un gouvernement libéral et modéré, fondé sur la double base de l’égalité au dedans et de la paix au dehors[1]. »

Réconcilier la nation avec l’Europe et avec elle-même, telle était l’œuvre à laquelle l’amour de la France conviait le jeune héros qui de la terre d’Orient était soudain descendu sur ses rivages tout parfumé de la poésie qu’elle exhale. L’irrésistible ascendant de Bonaparte tenait à cette notion sacrée du droit dont Dieu lui avait imprimé le signe ; aussi comprit-il d’abord avec une merveilleuse sagacité que son rôle lui commandait la cessation de l’état de guerre, et qu’il avait à poursuivre immédiatement l’obtention de la paix par la voie des négociations, ou bien, en cas d’échec, par une foudroyante victoire. Le premier consul venait à peine de saisir dans sa main héroïque les rênes de cette administration féconde en prodiges, qu’il adressait au roi d’Angleterre la lettre si connue, admirable programme d’une ère industrielle et pacifique destiné à devenir trop promptement le titre même de sa condamnation. « La guerre, qui depuis huit ans ravage les quatre parties du monde, doit-elle être éternelle ? Comment les deux nations les plus éclairées de l’Europe, puissantes et fortes plus que ne l’exigent leur sûreté et leur indépendance, peuvent-elles sacrifier à des idées de vaine grandeur le bien du commerce, la prospérité intérieure, le bonheur des familles ? Comment ne sentent-elles pas que la paix est le premier des besoins comme la première des gloires ! »

Le jour même où le gouvernement consulaire affichait en face de la nation l’énergique volonté de la paix, il osait aussi flétrir la tyrannie qui avait si long-temps pesé sur les consciences, et ses paroles laissaient deviner à la France les perspectives magnifiques que la conclusion du concordat allait bientôt ouvrir pour elle. « Les consuls déclarent que la liberté des cultes est garantie par la constitution, qu’aucun magistrat ne peut y porter atteinte, qu’aucun homme ne peut dire à un autre homme : Tu exerceras un tel culte ; tu ne l’exerceras qu’un tel jour… Les ministres d’un Dieu de paix seront les premiers moteurs de la réconciliation et de la concorde : qu’ils parlent aux cœurs le langage qu’ils apprirent à l’école de leur maître ; qu’ils aillent dans ces temples qui se rouvrent pour eux offrir le sacrifice qui expiera les crimes de la guerre et le sang qu’elle a fait verser[2]. »

Ainsi se déroule, au lendemain de la révolution de brumaire, ce plan de reconstitution sociale, le plus vaste qu’aucun mortel ait jamais accompli. Restauration de l’ordre en France par l’établissement d’une

  1. Proclamation des consuls, du 21 brumaire.
  2. Proclamation des consuls aux départemens de l’ouest, 8 nivôse an VIII.