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du nombre croissant des catholiques romains en Angleterre, mais dans certaines circonstances particulières qui, surtout depuis quelques années, ont mis au jour les plaies intérieures de l’église anglaise.

Depuis dix ou quinze ans, la question des rapports du spirituel avec le temporel, qui est vieille comme le monde, a été ressuscitée en Angleterre avec plus de vivacité que jamais. Déjà, à une autre époque, nous avons exposé ici un des plus graves incidens de cette lutte[1], qui n’a fait depuis lors que prendre des proportions croissantes. Elle est même arrivée à un tel point qu’on a vu le moment où l’église d’Angleterre allait, à l’exemple de l’église d’Écosse en 1842, se scinder en deux parties. La suprématie de l’état sur l’église a été, dans plusieurs cas récens, affirmée et exercée d’une manière si tyrannique et si intolérable, que le schisme, ou du moins la séparation des deux pouvoirs, en a été sur le point d’éclater. L’affaire du docteur Hampden, que nous venons de rappeler, et une autre dont nous allons parler, ont plus fait pour ébranler dans ses fondemens l’église d’Angleterre que toute la propagande catholique.

D’après la constitution qui régit les rapports de l’état et de l’église, il se trouve que c’est la couronne qui décide en dernier appel non-seulement les questions de droit, mais même les questions de doctrine ecclésiastique. L’appel au roi, établi sous Henri VIII, aboli sous la reine Marie, fut rétabli sous Élisabeth et s’est perpétué jusqu’à nos jours. Il a reçu sa dernière forme en 1833, où le roi en conseil fut institué juge d’appel, sans révision, et une commission du conseil privé fut nommée pour juger les cas qui se présenteraient. L’église d’Angleterre était encore, à cette époque, plongée dans la somnolence qui pesait sur elle depuis plus d’un siècle. Ce ne fut que trois ou quatre ans après que, sous l’impulsion des éloquens théologiens d’Oxford, elle secoua sa léthargie. L’institution du comité du conseil privé passa donc à peu près inaperçue ; les cas d’appel avaient toujours été excessivement rares ; il y en avait eu trois ou quatre au plus depuis la réformation, et on n’imaginait même pas que le nouveau tribunal aurait jamais à s’occuper de questions ecclésiastiques.

Il s’en est cependant présenté une qui a remué l’église d’Angleterre jusqu’aux entrailles, et qui a jeté dans le pays entier une agitation qui n’était pas encore calmée quand la bulle du pape est venue y faire diversion. On sera peut-être surpris, en France, en apprenant qu’en l’an de grace 1850 une grande nation, très occupée des affaires de ce monde, a néanmoins trouvé le temps de se passionner pour des choses qui n’en sont pas, et qu’au milieu des révolutions de l’Europe et des préparatifs de la grande exposition de l’industrie le peuple anglais n’a eu,

  1. Voir la Revue du 15 septembre 1848.