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dans ce pays un tribunal qui enlève au conseil privé de la couronne, et par conséquent à la couronne elle-même, un pouvoir qui, non pas seulement depuis la réformation, mais avant, a toujours été considéré comme essentiel à sa prérogative, c’est-à-dire le gouvernement de l’église. » Parlant ensuite de la convocation du clergé, c’est-à-dire de ces synodes ecclésiastiques qui avaient été suspendus depuis des siècles, lord Lansdowne exprima sa conviction que les discussions du clergé ne pouvaient que jeter le trouble dans les consciences et dans l’état. « Je me souviens, dit-il, de l’avertissement solennel d’un des plus grands politiques de notre temps qui disait que le droit de convocation existait toujours dans ce pays, mais que celui qui en ressusciterait l’exercice évoquerait un esprit qu’on ne pourrait plus maîtriser. Le révérend prélat prétend rétablir la paix et la concorde ; mais, quand il aura établi son nouveau tribunal, croit-il donc qu’en introduisant dans son sein les tempêtes de controverse qui malheureusement déchirent aujourd’hui notre pays, il fondera un état de paix et d’harmonie ? » Le ministre de la reine alla plus loin ; pour justifier la compétence du tribunal laïque, il réduisit la théologie au rang de la chimie, de la physique et de la mécanique, et il dit avec le plus grand sang-froid « Quand M. Watt demanda un brevet pour son invention, qui lui était contestée, il porta sa cause devant la chancellerie. Cette cour était composée de laïques qui n’avaient point de connaissances spéciales, et cependant il ne vint à l’idée de personne de demander la constitution d’une autre cour composée d’hommes scientifiques. La cour appela en témoignage les premiers chimistes ; elle prit son temps pour délibérer, et elle rendit un jugement qui satisfit tout le monde, y compris les chimistes. »

Chose remarquable, et qui manifeste la division profonde qui existe dans le clergé anglais, ce fut un évêque connu pour ses opinions philosophiques et rationalistes qui vint appuyer la thèse du gouvernement. L’évêque de Saint-David déclara qu’il ne pouvait s’associer à la démarche de la majorité de ses collègues, et que, quant à lui, « il ne pouvait admettre la doctrine que le corps des évêques, en sa qualité officielle, eût une prérogative particulière et exclusive, une qualité transcendante pour être seul juge des questions de doctrines soulevées dans l’église. » Un pair laïque, lord Redesdale, répondit à l’évêque de Saint-David : « Il est impossible, dit-il, que nous restions dans l’état où nous sommes. Quand il éclate des dissensions dans l’église, il faut que les évêques interviennent, et fixent la doctrine. Ce sont les laïques qui souffrent les premiers de la trop grande latitude laissée au clergé… Rien ne se fera, si l’église ne fait pas des efforts extraordinaires. Il faut absolument que cet état change ; trop des nominations nouvellement faites ont eu pour but patent la subordination de l’église