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rejetez pas hors de l’église les cœurs ardens et les consciences tendres. Traitez l’église généreusement, si vous ne voulez pas la tourner tout entière contre vous, ce qui arrivera certainement le jour où elle ne pourra pas obtenir justice, et où elle croira en péril ce qu’elle met au-dessus de toutes les possessions terrestres. »

Malgré ce pressant appel, la chambre des lords rejeta la proposition des évêques. Cette décision jeta une agitation des plus vives dans le pays ; de toutes parts on protesta dans les meetings, et il s’organisa des associations pour la défense de l’église. Le mot d’ordre fut de demander la convocation d’un synode, et il se tint à la fin du mois de juin, à Londres, une assemblée, composée en grande partie de membres du clergé, qui ressemblait beaucoup à un concile.

Les principaux orateurs, dans cette réunion, portaient des noms bien connus. C’étaient les archidiacres Manning et Wilberforce, les docteurs Pusey, Sewell et Palmer. On vota à l’unanimité une protestation contre le jugement du conseil privé et une adresse pour demander la convocation d’un synode. Le docteur Wilberforce représenta que, dans les temps ordinaires, l’église pouvait bien suspendre ses fonctions synodales, mais que le moment était venu d’en ressaisir l’exercice ; qu’il ne s’agissait pas pour elle de demander la création de nouveaux pouvoirs, mais de se servir de ceux qu’elle possédait déjà. Lors même qu’un parlement ami de l’église lui donnerait une constitution selon ses voeux, la question ne serait pas résolue ; car, si l’église acceptait cette position, elle abandonnerait celle qui reposait sur la tradition, sur la succession et sur dix-huit cents ans d’existence ; elle ne serait plus l’église de Jésus-Christ et n’aurait qu’une base parlementaire.

Le docteur Sewell, un des plus célèbres professeurs d’Oxford, se prononça plus fortement encore. Il parla de la nécessité de rassurer tous ceux chez lesquels les derniers événemens avaient jeté le doute et la désolation, et qui cherchaient vainement un refuge et un port dans l’église.

« Dans l’histoire de toutes les grandes organisations, dit-il, il y a des temps où les règles ordinaires sont dérangées, et où l’instinct des hommes d’état doit trouver la direction des élémens. Si Dieu le veut, il nous enverra un homme ; mais il faut que le clergé l’assiste et l’encourage. Soyons décidés à n’appuyer que ceux qui rendront justice à l’église, et usons dans le même but de notre influence sur nos concitoyens… Quant à présent, que tous nos efforts tendent à obtenir la convocation d’un synode. Si Dieu, dans ses desseins, a voulu endurcir le cœur de nos Pharaons, il y aura des Moïses et des Aarons pour marcher devant nous et nous guider. Nous irons à notre reine, et nous lui rappellerons le jour où, entrant dans l’abbaye de Westminster pour son couronnement, elle se mit à fondre en larmes ; nous lui demanderons qui lui posa la couronne