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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/208

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Hongrie dès les premières années qui avaient suivi la réunion de ce royaume à l’Autriche. La Hongrie avait conservé beaucoup de privilèges qui remontaient à l’époque des croisades et aux temps féodaux. La majorité des seigneurs fut peu à peu amenée à abandonner ces privilèges, qui étaient en contradiction trop évidente avec la marche du temps et des esprits. Dès-lors se forma au sein de la noblesse même une minorité jalouse de ses droits, qui devint le noyau d’une opposition entretenue pendant deux siècles par les puissances qui craignaient l’agrandissement de la maison d’Autriche, et par l’argent de la France sous le règne de Louis XIV et de Louis XV. Lorsque cette opposition trouvait un chef dans quelque ambitieux, comme Tekely ou Rakoczy, les mécontens levaient des troupes, forçaient les seigneurs attachés à l’Autriche à entrer dans leur parti, et commençaient la guerre ; mais, trop faibles pour résister aux forces de l’empire, ils se voyaient bientôt réduits à implorer le secours des Turcs, offraient au sultan la couronne de Hongrie, et joignaient leurs armes aux siennes. Vers la fin du siècle dernier cependant, la noblesse hongroise dut renoncer à une lutte désormais trop inégale. Après avoir versé son sang à flots dans les révoltes, elle se voyait privée de l’appui des Turcs, affaiblis par la victoire du prince Eugène : elle se rapprocha donc de la cour impériale, et, sous le règne de Marie-Thérèse, l’opposition des seigneurs hongrois ne se fit plus sentir que lors de la réunion des diètes, par quelques contestations sur les subsides et les levées de troupes, destinées seulement à préciser la position particulière de la Hongrie vis-à-vis de l’Autriche. C’est pendant ces dernières années que la lutte recommença plus vive, et qu’un petit nombre de seigneurs hongrois résolurent de tourner contre l’Autriche les armes nouvelles que leur fournissait l’esprit révolutionnaire.

Quelques années avant 1848, la minorité ardente qui travaillait à séparer la Hongrie de l’empire ne cachait plus ses projets. Tous les actes du gouvernement rencontraient dans ses rangs de violens adversaires. Les événemens de mars 1848 à Vienne vinrent lui offrir enfin l’occasion de réaliser ses rêves d’indépendance. Appuyés sur une partie de la nation, les nobles hongrois arrachèrent d’importantes concessions à l’Autriche, ébranlée par une crise récente et forcée de concentrer ses troupes dans les provinces insurgées de l’Italie. La Hongrie devait former à l’avenir un état indépendant, ayant ses ministres et son armée. À peine ces concessions étaient-elles obtenues, que l’on se mit à en tirer parti contre le faible gouvernement qui n’avait pas su les refuser. Le nouveau ministre de la guerre remit le commandement des principales forteresses de la Hongrie à des hommes dont le dévouement lui était connu. Il répandit l’argent à pleines mains, et sous sa direction une armée régulière, une puissante artillerie s’organisèrent