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côtés la mort et la destruction. Nous rentrâmes à la nuit à Sommerein ; les Hongrois quittèrent le soir même Altenbourg, et se retirèrent jusqu’à Raab, derrière des positions qu’ils avaient fortifiées et garnies de redoutes.

Le 19 décembre, le ban marcha avec tout son corps jusqu’à Altenbourg ; nous y restâmes quatre jours entiers dans l’inaction. Le second corps, qui s’avançait sur la rive gauche du Danube, n’était entré que le 18 dans la ville de Presbourg, abandonnée par les troupes hongroises ; il y séjourna jusqu’au 22 au matin, reçut l’ordre alors de passer sur la rive droite pour se réunir au gros de l’armée, et il vint occuper les villages de Baumern, Zurndorf et Gattendorf. Le prince Windischgraetz, qui était encore à Karlbourg, dans le château du comte Zichy, poussa en avant le corps du ban, et vint, dans l’après-midi du 23, occuper Altenbourg, que nous avions quitté le matin même ; le ban arriva le même jour à Szent-Miklos sur la Raabnitz, et le général Zeisberg partit aussitôt pour faire rétablir le pont brûlé par les Hongrois sur le chemin qu’il fallait suivre de Leyden à Sôvenyhaza.

Nous passâmes la journée du 24 à Szent-Miklos ; le froid commençait à devenir intense, la Raabnitz était gelée dans plusieurs endroits, et le ban voulut faire jeter un pont en face de Szent-Miklos pour gagner Sôvenyhaza sans passer par Leyden. J’allai reconnaître les lieux. Je fis visser des crampons aux fers de mon cheval, puis je cherchai un endroit où, la rivière faisant un coude, la glace dût être épaisse. Je passai ainsi sur l’autre rive, et me dirigeai vers Sôvenyhaza pour voir si l’on pourrait conduire l’artillerie sur les digues au milieu des marais. La nuit arriva peu à peu, et quand je voulus revenir sur mes pas, à force de tourner dans ces marais, je perdis la direction de Szent-Miklos ; cependant, en me guidant sur le feu de nos bivouacs, j’arrivai, après bien des détours, jusqu’à la Raabnitz. La nuit était alors complète. Attendre le jour dans le marais, c’était risquer de périr de froid ; après avoir long-temps cherché dans l’obscurité un endroit où la glace fût adhérente au rivage, je m’aventurai en tenant mon cheval à la main ; j’arrive au milieu de la rivière, j’entends un craquement et un bruit sourd ; mon cheval effrayé s’arrête, mais, sentant la glace manquer sous ses pieds de derrière, il s’élance en avant, et nous atteignons heureusement l’autre bord. Je fus alors obligé de m’arrêter un instant. Disparaître sous la glace par cette nuit sombre, cela m’eût semblé une affreuse mort !

Nous reçûmes, pendant la journée du 25, communication du plan général du mouvement offensif qui devait porter toute l’armée devant les positions que les Hongrois occupaient sous les murs de Raab ; le ban dressa ce plan, il arrêta les dispositions de la marche qui devait nous mener sur le flanc gauche de ces positions et forcer l’ennemi à les