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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/215

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une reconnaissance vers Altenbourg ; le temps était superbe, l’air clair et transparent ; le soleil faisait briller l’acier des armes ; nous marchions sur la grande route qui mène à Raab, regardant les nuages de fumée qui s’élevaient au-dessus des ponts auxquels les Hongrois, à notre approche, venaient de mettre le feu, lorsque deux pièces de canon placées au-delà du pont devant Altenbourg nous envoyèrent quelques boulets. Nous appuyâmes sur la droite en suivant hors de la portée du canon un chemin parallèle à la grand’route qui va d’Altenbourg à Wieselbourg ; nous vîmes alors les Hongrois, dont nous étions séparés par un large canal, se retirer précipitamment sur cette route, et nous cherchâmes aussitôt à les gagner de vitesse pour arriver avant eux dans la plaine à la sortie de Wieselbourg et y prendre une position qui les obligeât à déployer leurs forces pour engager le combat.

Je conduisais le peloton d’avant-garde, et je le précédais en courant pour reconnaître le terrain ; je passe une digue, et tout à coup j’aperçois les Hongrois qui se rangeaient en bataille ; j’étais séparé d’eux par le canal : je me retourne et vois le ban qui faisait déployer les escadrons ; les canons ennemis commencent à tirer, le ban fait avancer la cavalerie ; ce mouvement, exécuté pendant que les boulets volent de toutes parts et déchirent les chevaux, amène quelque désordre : alors le ban s’élance vers les soldats le sabre à la main, et, d’une voix éclatante, il ordonne de reformer le front. Puis, pour encourager les troupes par son exemple, il se tint long-temps, immobile et impassible, à l’endroit où l’ennemi concentrait tout son feu. Le major comte Hompesch, son aide-de-camp, s’étant placé devant lui, il l’écarta du geste, disant « qu’il ne voulait pas de bouclier entre lui et l’ennemi. Nous restâmes ainsi pendant plus de vingt minutes, et le général Zeisberg interrompait seul par des plaisanteries le grave silence qui régnait parmi nous, pendant que nous nous penchions involontairement tantôt à droite, tantôt à gauche, étourdis par le sifflement des boulets.

Les Hongrois avaient là cinq bataillons d’infanterie, six escadrons de hussards et dix-huit pièces de canon : bientôt leur feu redoubla, ils s’avancèrent sur notre droite et menacèrent de nous tourner ; mais déjà des nuages de poussière s’élevaient derrière nous sur la plaine ; le général prince François Liechtenstein, se guidant sur le feu du canon, arrivait au galop avec la cavalerie de réserve ; tous les yeux se tournèrent vers lui, l’ennemi s’arrêta, et nous commençâmes à nous replier sur la cavalerie du prince ; les Hongrois nous envoyèrent encore quelques volées de boulets : le terrain était plat et uni comme une glace, je vis là pour la première fois plusieurs boulets rouler tranquillement sur la plaine et venir mourir près des pieds de nos chevaux ; nous regardions avec étonnement ces masses de fer, maintenant inertes et immobiles, qui, quelques secondes auparavant, portaient de tous