pieusement, comme la tradition catholique, la tradition d’art originelle, — ou bien peut-on s’en inspirer en la contrôlant et concilier la représentation de l’idéal religieux avec les progrès de l’art moderne ? Grande question que l’on ne saurait essayer de traiter ici, et que l’on pose seulement pour rappeler dans quel sens l’école allemande a jugé bon de la résoudre.
La peinture s’étant ainsi privée en Allemagne d’une partie de ses moyens matériels, la gravure devait s’y attacher uniquement à rendre l’expression et le style mystiques des originaux ; elle y réussit parfaitement. Jamais peut-être imitation ne fut plus fidèle, jamais il n’y eut corrélation plus intime entre le burin et le pinceau. Les graveurs allemands n’interprètent plus aujourd’hui la pensée des peintres ; ils la retracent trait pour trait et la décalquent en quelque sorte, pourvu que l’expression de cette pensée soit conforme aux règles admises et se renferme dans les limites d’une stricte simplicité. M. Merz, qui a gravé le Jugement dernier peint par M. Cornélius dans l’église Saint-Louis à Munich, MM. Joseph et François Keller, auteurs de nombreuses planches d’après les compositions de M. Overbeck, beaucoup d’autres encore pratiquant avec succès dans leur art les principes de la nouvelle école, et leurs travaux montrent à quel point de vue la gravure est maintenant envisagée en Allemagne. On n’y produit plus d’estampes, s’il faut entendre par ce mot des œuvres où le burin ait cherché à rendre la valeur des tons, le clair-obscur, tout le pittoresque d’un tableau ; on y grave avec une grande précision de style des formes incolores et que caractérise seulement la pureté des contours. La nouvelle école allemande, bien que subdivisée en écoles partielles, présente un ensemble de talens à peu près identiques et d’ouvrages inspirés par une contemplation abstraite plutôt que par l’étude de la réalité. Cependant la méthode générale n’est pas appliquée partout avec la même rigueur. Les graveurs de Dusseldorf, par exemple, ne se bornent pas, comme ceux de Munich, à tracer des silhouettes dont l’imagination du spectateur doit compléter le modelé ; ils cherchent au contraire à ne rien omettre de ce qui contribue à rendre le dessin plus exactement expressif, et l’on peut citer comme spécimen de leur manière la Sainte Catherine que transportent les anges, gravée par M. Felsing d’après M. Mucke. Ailleurs, on accepte parfois des conditions plus larges encore, il arrive même que le burin essaie de rendre, jusqu’à la valeur des tons d’un tableau ; mais de tels essais sont rares aujourd’hui en Allemagne, et le résultat, il faut le dire, en est médiocrement heureux. La Vierge de Saint-Sixte, récemment publiée à Dresde par M. Steinla, nous paraît moins propre à servir la réputation de l’auteur qu’à augmenter celle de Müller par la comparaison entre les deux planches, et cette nouvelle gravure d’après Raphaël prouve suffisamment