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que ce ne sont pas les originaux d’une beauté achevée que les artistes contemporains excellent à reproduire. Puisque, à l’exemple de la peinture, la gravure allemande a renié un passé de trois siècles pour revenir au point où l’avait laissée Albert Durer, peut-être même un peu au-delà, elle ne doit plus s’attacher qu’à des modèles d’un caractère particulier, et ne choisir parmi les maîtres anciens que ceux dont les œuvres semblent donner raison à ses tendances. M. Steinla lui-même a montré ce que gagnait son talent à se conformer à cette loi : la Vierge au Donataire est supérieure de tous points à la Vierge de Saint-Sixte, parce que le graveur, en traduisant Holbein, n’avait à analyser que des qualités nettement formulées, et qui dérivent de la science plutôt que de l’inspiration. Il négociait, pour ainsi dire, au profit des doctrines de l’école les exemples d’un peintre qui avait trouvé l’idéal actuellement poursuivi, et le succès de l’entreprise ne pouvait être douteux. La planche de M. Steinla offre un mérite parfaitement analogue à celui de la peinture originale, et, de plus, l’expression exacte de l’état de la gravure en Allemagne ; il est juste qu’à ce double titre elle soit mise au nombre des estampes modernes les plus dignes d’être remarquées.

Il semble résulter de ce qui précède que les graveurs allemands sont tous voués aujourd’hui au culte de l’art austère, et qu’ils ne consentent à reproduire que certains sujets. Cependant les compositions capricieuses ou satiriques, les vignettes et les caricatures sont aussi nombreuses en Allemagne que dans aucun pays : hâtons-nous d’ajouter que nulle part les estampes de cette espèce ne sont traitées avec moins de gaieté et d’abandon, et que le sérieux de l’idée y’ prédomine toujours comme dans les ouvrages d’un tout autre ordre. Quelle que soit la nature des scènes représentées, quelque diversifiées que paraissent les formes, au fond l’intention est la même : la méthode demeure inflexible, et cette inflexibilité fait la puissance de l’art allemand. Grave jusque dans les caricatures, il ne renonce jamais à ses habitudes de méditation profonde et d’application. Tel sujet sur lequel on improviserait en France une lithographie, fournit au-delà du Rhin matière aux travaux assidus du burin, et récemment encore on a vu le même événement faire naître dans les deux écoles des œuvres d’un caractère tout opposé. Tandis qu’ici l’on s’amusait à chercher des ridicules aux auteurs de la révolution de février et à se servir du crayon pour les railler, là on remontait aux causes de l’ébranlement social, et on les interprétait dans des estampes énergiques. La Nouvelle Danse des Morts, composée et gravée sur bois par M. Alfred Rethel, a été déjà jugée dans cette Revue au point de vue de la philosophie ; c’est donc au point de vue de l’art seulement qu’il nous est permis de nous placer pour l’apprécier à notre tour. Cette suite de planches où M. Rethel